S'il ne nourrit pas l'illusion, et il le dit, de rafler la mise aux élections locales auxquelles son parti participe pour la première fois et timidement (40 listes APC et 13 listes APW), le président de Talaïe El-Houriat, Ali Benflis, semble vouloir profiter pleinement de la campagne électorale pour vendre son programme politique, non sans distiller quelques messages au pouvoir qu'il accuse d'être l'artisan de la crise multidimensionnelle que traverse le pays. M. Benflis se projette ainsi dans l'élection présidentielle de 2019. "Je sais que vous ne vous faites pas d'illusions pour gagner ces locales pour lesquelles le pouvoir nous a empêché en amont de présenter des listes dans 1 541 communes où nous sommes pourtant présents. Il nous oblige à collecter 4,5 millions de signatures (...). Vous savez bien que les élections locales ne sortiront pas le pays de la crise politique, économique et sociale qu'il traverse. Nous avons déjà eu des élections législatives auparavant qui n'ont rien changé. La crise restera tant que le match des élections est vendu à l'avance. Notre participation à cette élection est notre façon de dire aux gouvernants que nous sommes constructifs", a expliqué l'ancien chef de gouvernement lors de son meeting tenu, hier, à la salle des sports de Chéraga, à l'ouest d'Alger. Benflis a ainsi laissé entendre que le pouvoir mise, en réalité, sur la fraude pour garantir les meilleurs résultats à sa clientèle lors du scrutin du 23 novembre prochain. "Le créateur de la pénicilline dispose bien d'un brevet. Le pouvoir doit réclamer les droits d'auteur de la fraude qu'il a créée", a-t-il ironisé. En réalité, M. Benflis est plutôt en précampagne pour la présidentielle de 2019 qu'en campagne électorale pour les locales. S'exprimant devant une assistance très attentive à son discours, M. Benflis n'a pas manqué l'occasion de répondre, par ailleurs, aux attaques dont il fait l'objet à l'occasion de cette campagne, émanant notamment des chefs des partis du pouvoir, mais avec beaucoup de discipline et de tact. "Je sais que je suis constamment attaqué et souvent insulté, mais je refuse de répondre aux auteurs de ces attaques par le même langage. À Talaïe El-Houriat, nous refusons d'insulter, ni de nommer personne. Nous nous démarquons des combats marginaux", a-t-il tonné, sa diatribe clairement adressé notamment à Djamel Ould Abbes et Ahmed Ouyahia. "Quand j'ai parlé du changement pacifique, du renouveau et de la modernisation de l'Etat, ils m'ont accusé de rouler pour une main étrangère. Je refuse de répondre à ce genre d'accusations insensées. Notre réponse est qu'ils acceptent d'aller vers un dialogue national qui n'exclut personne, un dialogue entre le pouvoir et l'opposition pour trouver un consensus national", a enchaîné le président Benflis, qui fait sienne quasiment toutes les revendications de l'opposition contenues dans la plateforme de Mazafran. Dans la foulée, M. Benflis ne manquera pas d'adresser une flèche au ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, sans le nommer, en guise de mise au point à sa récente diatribe très peu amène contre le Maroc. "La diplomatie algérienne a atteint le fond. Un responsable qui se respecte n'utilise jamais l'insulte pour s'adresser à un pays étranger, même quand il est lui-même insulté. Dans la diplomatie, on ne se rabaisse jamais au niveau de notre adversaire. Bien au contraire, on doit se montrer plus supérieur. Je dis ça et les gens comprendront." L'allusion de M. Benflis est, en réalité, claire. Farid Abdeladim