Les doléances sont nombreuses dans ce douar où le terrorisme dictait sa loi durant la décennie 1990. Aujourd'hui, l'insécurité a cédé la place à la marginalisation. On ne peut parler de Chréaa (Beni Aïssa), situé à 11 kilomètres au sud-est de la commune de Ziama Mansouriah dans la wilaya de Jijel aujourd'hui sans évoquer les années noires imposées par un terrorisme aveugle. Si durant cette parenthèse, les habitants n'ont pas quitté le douar, mais, au contraire, ils ont pris les armes contre les sanguinaires pour les repousser dans les monts avoisinants, les séquelles de la bêtise humaine sont, en revanche, présentes à travers leur lot de veuves, d'orphelins et de chômeurs. Le douar est dépourvu du minimum de commodités. Il est implanté au fin fond d'une forêt que les constructions en tôle, en parpaings et même en briques non enduites rendent hideuse. Les jours de grandes pluies, beaucoup de pères de famille sont obligés de rester chez eux pour surveiller l'état de leurs demeures. Les familles sont soumises à un régime spécial durant l'hiver. “On ne dort jamais d'un sommeil profond quand il pleut. À tour de rôle, on passe nos nuits à évacuer l'eau qui inonde nos baraques”, explique un sexagénaire du village. L'approvisionnement en gaz butane est un autre calvaire qui envenime la vie des villageois. La bouteille de gaz, quand elle est disponible, est cédée à 300 DA, parfois plus. L'absence d'un réseau d'assainissement complique davantage le quotidien de ces citoyens qui pataugent dans les eaux usées. Les constructions qui se trouvent au beau milieu de la forêt sont toutes fissurées, tel le visage d'une personne marquée par les rides du temps. De plus, les câbles électriques suspendus au milieu des habitations constituent un danger réel puisque, comme l'explique un habitant, “dès les premières rafales de vent et les moindres pluies, on aperçoit des étincelles illuminant le ciel”. Toujours à propos d'électricité, ici, les coupures sont légion. Le chômage ronge la population juvénile du village. Des dizaines d'entre eux ont postulé dans le cadre des différents programmes de réinsertion par l'emploi, mais à part les récépissés de dépôt de dossiers, ils n'ont que de l'espoir à entretenir. Faute d'occupation, les jeunes du douar se lèvent le matin pour se rendre au chef-lieu de commune, Ziama, afin de meubler leur temps pour ne rentrer que le soir afin de dormir. “Chréaa est un douar-dortoir.” La formule est des jeunes du village. Ce que les habitants désirent en priorité, c'est l'amélioration de leurs conditions de vie qui doit passer par leur raccordement à l'AEP, car les familles sont contraintes de s'approvisionner à partir des puits non contrôlés, et des emplois pour lutter contre l'exode et la délinquance. M. B.