Né le 18 novembre 1955, au village des Aït Brahim dans la commune de M'chedallah (Bouira), M. Salah Boukrif est l'une des figures emblématiques du combat pour l'amazighité et la démocratie, pour lequel il s'est engagé dès son jeune âge. Salah fait partie de cette génération, qui est venue à la politique, l'imaginaire encore irrigué par la mémoire de la résistance. Jeune lycéen, Salah Boukrif s'est déjà distingué comme un meneur, révolté qu'il est, contre sa double exclusion sociale et linguistique et donc politique. Fils de paysan, il connaissait la dure réalité sociale de cette humanité qui a été le fer de lance de la Guerre de libération. Cette double injustice, il la portera comme un credo tout le long de sa trajectoire sociale et son itinéraire politique. C'est par un discours radicalement axé à gauche que Salah émergera publiquement en 1980 sur la scène politique, alors qu'il poursuivait des études de droit, à Ben Aknoun. Il fera ainsi partie des 24 détenus déférés devant la cour de sûreté de l'Etat de Médéa. La grande mobilisation populaire dissuadera le pouvoir d'un procès expéditif comme il était de tradition. Il sera élargi avec ses camarades deux mois plus tard. La liberté retrouvée, Salah continuera son combat à l'université pour la constitution d'un syndicat estudiantin libre et, le mois de mai 1981, à la suite de l'anniversaire de l'an un du Printemps berbère, dont il était l'un des animateurs les plus en vue, il sera encore une fois interpellé. Il purgera une peine de 18 mois d'emprisonnement au pénitencier d'El-Harrach. Diplômé de la faculté de droit avec un titre de licence obtenue haut la main, il entamera une carrière administrative dans la Fonction publique. Il occupera successivement les postes de divisionnaire de l'ex-Cous, de secrétaire général de l'USTHB en enfin, cadre supérieur au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Parallèlement à cette trajectoire sociale qu'il accomplira avec talent et humilité, il accompagnera sans cesse les activités du Mouvement culturel berbère (MCB). Après l'instauration du multipartisme, Salah militera plus assidûment au sein de cette structure, dans les commissions nationales. Sollicité par le RCD en 1997, dans le cadre de la convergence démocratique, il mènera désormais une politique partisane et se fera élire à l'APW d'Alger dont il a été vice-président entre 1997 et 2002. N'eut été la fraude qui avait privé le RCD d'une victoire éclatante, Salah Boukrif aurait certainement occupé la présidence de l'APW d'Alger. Dans cette instance, il a laissé le souvenir d'un homme politique à conviction et d'un vrai connaisseur de la gestion. La dernière manifestation publique à laquelle aura pris part Salah a été la marche du 20 avril 2005, à Bouira, dont le principal mot d'ordre est de “réhabiliter le politique en Kabylie”. En cette soirée du lundi 25 avril 2005, la grande faucheuse est venue ravir à la vie et aux siens, à l'âge de 50 ans, ce vieux militant de la cause démocratique et amazigh, victime d'une crise d'asthme. Salah est parti jeune, laissant derrière lui une femme et trois jeunes enfants (deux filles et un garçon). Il s'en est allé au moment où il pouvait donner la pleine mesure de son engagement dans les affaires publiques. Il laissera le souvenir d'un homme révolté, et humble en fidélité à son origine. Ses proches, ses amis et surtout ses compagnons de lutte garderont à vie de lui, cette image de militant infatigable. Repose en paix Salah ! K. O.