Les obsèques de feu Salah Boukrif, un vieux militant de la cause amazigh et membre de la direction nationale du RCD, ont été, hier, à la hauteur du défunt. Ce sont des milliers de personnes, venues de différentes régions du pays, qui ont tenu à accompagner Salah à sa dernière demeure, à Aït Brahim, son village natal perché sur les hauteurs de la commune de M'chedallah, dans la wilaya de Bouira. Hier, le domicile parental du défunt grouillait de monde. Dès la matinée, plusieurs véhicules affluaient déjà au village. Des amis de longue date de Salah, notamment ses compagnons de lutte, à l'image de Ali Brahimi, Tarek Mira, Hamid Lounaouci, Djamel Zenati, Arezki Aït Larbi, M'hand Amarouche… ont tenu à marquer de leur présence cette cérémonie funèbre. Ses camarades du RCD étaient également nombreux à se déplacer à Aït Brahim pour rendre un grand hommage au militant disparu. La délégation des membres de la direction du RCD était conduite par le président du parti, le Dr Saïd Sadi, venu partager la douleur et surtout consoler la famille du défunt. Ces obsèques ont été aussi l'occasion pour certains anciens militants du MCB de se retrouver. Vers les coups de 13 heures, la foule a été invitée à prendre le chemin du cimetière du village. La procession humaine aura à emprunter un sentier sinueux, sous un soleil de plomb. Arrivé sur les lieux, tout le monde se dirigea vers la tombe de Salah. C'est dans une atmosphère chargée de tristesse que les retardataires jetteront un dernier regard sur la dépouille de Salah exposée devant sa tombe. Drapé dans l'emblème national, le corps de Salah sera enseveli dans un silence religieux, que l'oraison funèbre digne d'un grand militant des causes justes rompra. Après avoir remercié l'assistance et rappelé brièvement le parcours de son ancien compagnon de lutte, Ali Brahimi, un autre militant du MCB, originaire de la même région, cédera la parole au Dr Saïd Sadi qui lancera d'emblée : “Nous venons de perdre l'un des rares militants de la démocratie que l'Algérie post-indépendante avait enfantés. Salah est issu d'une famille modeste pour rester un homme modeste jusqu'à son dernier souffle. je l'avais connu à la prison de Berrouaghia, où nous avons mené un autre combat ensemble. Les prénoms qu'il avait donnés à ses trois enfants renseignent à plus d'un titre sur son engagement et ses convictions politiques. Il prénomma son premier enfant Yacine, par admiration à l'illustre écrivain Kateb Yacine, puis Ghilès et Tin-Hinan, deux prénoms berbères, qu'il donna à ses deux autres enfants.” Rencontrée lors des funérailles, Mme Nouara Boukrif, épouse du défunt Salah lâchera : “Je viens de perdre Salah après vingt ans de vie commune. J'ai senti sa mort depuis quelques jours déjà. Il est vrai que mon mari souffrait terriblement d'un asthme, mais il faut savoir également que les pressions et les intimidations qu'il n'a cessé de subir de la part d'une administration ingrate, et ce, depuis notamment le retrait du RCD du gouvernement, ont beaucoup contribué à la dégradation de son état de santé. Salah a été persécuté par l'administration qu'il avait servie pourtant avec abnégation durant plusieurs années pour le seul tort d'être militant démocrate. Aujourd'hui, comme pour effacer tout ce mal qu'on lui a causé de son vivant, des représentants du service social du ministère de l'Enseignement supérieur ont été chargés de me remettre ce matin une somme d'argent que j'ai refusée au passage, car je considère que c'est indécent de leur part.” Le chanteur Idir Tagrawla, M'hand Amarouche du MCB et Abdellah Bendaoud du mouvement culturel chenoui (Tipasa), très affectés par la disparition de celui qui fut l'une des “chevilles ouvrières” du printemps berbère d'avril 80, ont tenu, de leur côté, à souligner les “qualités exemplaires” de l'homme et du militant de la cause identitaire. “Salah était un homme juste. Il a servi des causes justes. Son combat doit être un repère pour les générations futures”, ont témoigné ses anciens camarades de lutte. K. O.