Mercredi dernier, le village d'Aït Brahim, dans la commune de M'chedellah, dans la wilaya de Bouira, a rendu un dernier hommage à l'un de ses meilleurs fils et impénitent démocrate : Salah Boukrif. Né le 18 novembre 1955 à Aït Brahim, Salah était issu d'une famille modeste et paysanne. Le défunt a poursuivi des études de droit à Ben Aknoun dans les années 1980 et fut membre de l'illustre groupe des 24 détenus présenté à la Cour de sûreté de l'Etat de Médéa en 1980. Au bagne à Berrouaghia, il connaîtra Saïd Sadi. Elargi quelques mois plus tard, l'infatigable militant sera à nouveau arrêté au printemps 1981 et incarcéré à la prison d'El Harrach pour 18 mois. Licencié en droit, il intégrera la Fonction publique, notamment le ministère de l'Enseignement supérieur. Une compétence professionnelle qui ne l'empêche pas d'être militant du FFS et fondateur du MCB, où il activera intensément aux Commissions nationales. A la faveur de l'appel à « la convergence démocratique » en 1996, feu Boukrif rejoint les rangs du RCD et son staff de l'exécutif national où il occupera le poste de secrétaire national, tour à tour, aux finances, à l'administration et au social. Ainsi, au lendemain des élections locales de juin 1997, il sera vice-président de l'APW d'Alger. Salah Boukrif sera ravi aux siens et « à la famille qui avance », la soirée du 25 avril, victime d'une crise d'asthme, laissant éplorés une veuve et trois enfants en bas âge. De ce militant, le docteur Mouloud Lounaouci, fondateur du MCB, nous dit, très ému : « Je l'ai connu pour la première fois alors qu'il était étudiant et activait à Alger. Un camarade proche de feu Mustapha Bacha. Salah était l'un des 24 détenus du printemps d'avril 1980 arrêtés à Alger. » « Il a connu les durs interrogatoires de la SM et a été présenté devant la Cour de sûreté de l'Etat pour création d'organisation clandestine visant à renverser le gouvernement et intelligence avec l'ennemi », se souvient le médecin et cadre du RCD, précisant : « Modeste, Salah avait une passion pour l'Algérie et ces dernières années, il avait fait preuve d'une grande fougue et énergie. » Les funérailles du démocrate d'Aït Brahim, mercredi dernier, ont réuni la direction du RCD, d'illustres militants d'avril 1980 et des personnalités politiques et de la culture, mais surtout des milliers de citoyens, jeunes essentiellement. Natif de la même région, l'universitaire et fondateur du Mouvement culturel berbère, M'hand Amarouche, témoigne de son compagnon : « Evoquer Salah est très pénible. Un homme valeureux, cheville ouvrière du mouvement 1980. Un militant assidu, probe et juste. C'est peut-être un signe, mais il nous quitte quatre jours seulement après la célébration du printemps berbère. » La gorge nouée, M. Amarouche poursuit : « Boukrif est un symbole pour les générations futures dans la lutte pour l'amazighité et l'identité. Il a fait honneur aux valeurs démocratiques, que ce soit au sein du MCB ou au RCD. Ces dernières années, lui qui fut un très grand cadre et une immense personnalité politique, avait subi des pressions administratives et de certains cercles, en raison de son engagement politique. Ce qui, à mon sens, avait aggravé son état de santé. Et je n'exclut pas que sa maladie provienne de ces deux incarcérations, affligeantes et marquantes subies en 1980 et 1981. » « Sa famille a fait preuve d'un grand courage et d'une immense dignité à l'occasion de cette affliction. A mon sens, le meilleur hommage reste les milliers de citoyens qui sont venus assister à son enterrement », conclut ce physicien non sans rappeler que le 20 avril 2005, Salah Boukrif était à Bouira aux côtés des marcheurs appelant à « la réhabilitation du politique en Kabylie ».