Arpentant les rues de la capitale, déguisé en sans-abri à l'expression faciale qui crie au désespoir, et au regard froid, voici le personnage connu et bien réel qu'a joué le jeune YouTubeur Anes Tina qui frappe fort avec sa vidéo publiée la veille des élections locales faisant plus de 5,5 millions de vues. Ce dernier dénonce la misère du peuple algérien, en poussant des cris de révolte et d'indignation. « Je te pleure oh mon pays, toi qu'on veut noyer comme le Titanic » fut le début de ce court-métrage de 5 minutes où les jeux de mots ne manquent pas. Il critique sévèrement les hommes du pouvoir, en comparant leurs modes de vie "fastueux" avec l'impasse que subit le peuple en ces temps de crise. Il évoque aussi des événements scandaleux tel que le décès d'une femme enceinte à Djelfa suivie de la condamnation de la gynécologue à un an de prison, ainsi que des faits divers tel que l'état dramatique des hôpitaux, le chômage des universitaires, la loi de finance problématique, l'immigration clandestine, la décennie noire... La vidéo prend plusieurs tournures, de la colère au regret où il parle des martyrs Amirouche, Didouche et Si el Haouas ne voyant pas assez de patriotisme chez les dirigeants. Puis prend un air triste et désemparé : « Prenez tout mais ne nous prenez pas l'espoir » dit-il. Il a aussi fait preuve d'humour en faisant allusion, entre autres, au tube de l'année « Despacito » pour dénoncer le niveau bas des programmes diffusés dans des chaînes de télévision privées, ou encore la non-qualification de l'équipe nationale à la coupe du monde de football 2018. Ce qui désole plus d'un, le football étant la seule distraction de ce peuple. Il décrit sa vidéo comme étant une compagne pour les pauvres en mettant en lumière le fait qu'il ne soit pas "influencé" et que c'est bel et bien une initiative individuelle. Ce qui reste à vérifier, sinon, pourquoi se justifier ? Avec comme arrière plan une vue imprenable sur la baie d'Alger. Son appel au boycott du vote aux élections municipales rappelle la vidéo de son ami DzJoker avec sa vidéo « Mansotich ». Tous deux adeptes des podcasts provocateurs agressifs mais sans messages précis si ce n'est du pessimisme et de la haine contre les dirigeants qui eux ne se sentent ni visés ni touchés. Et qui répondent à leur tour en les traitant d'ingrats et d'incultes. C'est alors en séries de clashs interminables publiées sur YouTube et Facebook qu'ils s'accaparent du rôle de porte- parole de la jeunesse algérienne dans les réseaux sociaux. Même si cela illustre l'avis de la majorité, ce n'est tout de même pas l'avis de toute la jeune génération. Les discours d'indignation aux dirigeants qui ont manqué à leur responsabilité sont innombrables et alimentent la nervosité et les tensions qui règnent. Il y a tout de même une certaine catégorie de jeunes algériens conscients qu'ils ne sont pas déchus de toute responsabilité, et qui assument certains faits, tel que le manque de civisme dans les lieux publics qui relèvent de l'éducation, la saleté des rues, ou encore le niveau d'instruction. Car même si le système éducatif est à revoir. Le niveau intellectuel reste une responsabilité individuelle et personnelle. La solution serait des rencontres officielles télévisées, ou à la radio, pour animer des débats avec une réelle liberté d'expression entre hommes politiques et jeunes militants, pour changer l'image des personnalités politiques, les rendre accessibles et à l'écoute de ces jeunes qui se sentent victimes du système. Randa Ibtissem ASSEM (Partenariat Réd-DIG-"Liberté" (#RDL)/Alumni (HEC) )