Le professeur Mohamed-Chérif Belmihoub a insisté, hier, sur les ondes de la Chaîne 3 de la radio nationale sur l'urgence de la modernisation de l'administration. Pour M. Belmihoub, la réforme de l'administration est la mère de toutes les réformes. "Sans la réforme de l'administration, les autres réformes risquent de subir le sort de l'impôt sur la fortune", a-t-il estimé. Revenant sur l'impôt prévu dans le projet de loi de finances 2018, puis supprimé par les députés de la majorité présidentielle, le professeur indique que cet impôt "n'a pas été bien cerné, aussi bien sur le plan de son rendement que de son assiette". M. Belmihoub estime que l'application de l'impôt sur la fortune "aurait conduit à des effets pervers". L'économiste juge acceptable l'argument de la commission des finances et du budget de l'APN, concernant la difficulté de mise en œuvre de cet impôt, "parce que l'administration fiscale algérienne demeure archaïque dans son fonctionnement et ses bases de données". M. Belmihoub pense que l'administration fiscale "aurait pu poursuivre l'amélioration du rendement de l'impôt sur le patrimoine avant de passer à l'impôt sur la fortune". "L'invité de la rédaction" de la radio Chaîne 3 constate que depuis quelques années, les revenus et les bénéfices "sont patrimonialisés en Algérie". M. Belmihoub évoque une tendance à la patrimonialisation de l'économie algérienne. "Ce qui n'est pas une bonne chose", a-t-il soutenu. Selon l'économiste, la réforme de la fiscalité doit viser l'élargissement de l'assiette fiscale, soit par la croissance, soit par la saisie de l'informel. M. Belmihoub relève que 42% des recettes fiscales proviennent des impôts sur les revenus. "Ce n'est pas normal", a-t-il lancé. "Alors que les impôts sur l'activité, la TVA et les autres impôts sur le chiffre d'affaires rapportent moins que les impôts sur le revenu", a-t-il déploré. L'économiste souligne la place importante et croissante de l'impôt sur le revenu global des salariés perçu à la source. "On cherche à la faciliter", constate-t-il. M. Belmihoub indique que l'élargissement de la base fiscale passe par la lutte contre les activités informelles et la réintégration de certains secteurs aujourd'hui défiscalisés, comme celui de l'agriculture. M. Belmihoub affirme que "seules des enquêtes géantes, empiriques et sérieuses, menées sur le terrain" sont à même de saisir le poids de l'économie informelle. Pour lui, "la masse monétaire n'est pas un bon indicateur". L'économiste propose de s'inspirer des expériences entreprises dans le monde, notamment dans des pays d'Amérique latine. "L'administration fiscale et du commerce sont au cœur de cette problématique", souligne l'économiste, insistant sur l'urgence de "briser la relation entre l'informel et la corruption". Pour lui, il faut agir en amont. "L'essentiel de l'informel est lié aux importations", a-t-il estimé. Cependant, M. Belmihoub n'est pas favorable au système des licences d'importation. "Le système des licences est une procédure administrative qui produit des effets pervers, des passe-droits, de la corruption... Toutes les décisions administratives sont mauvaises pour l'économie", soutient-il. L'économiste plaide, plutôt, "pour la mise en place des impôts et des taxes, pour protéger conjoncturellement l'économie nationale". M. Belmihoub a également évoqué le retard mis dans la modernisation des banques. "Rien n'a été fait", a-t-il constaté. Meziane Rabhi