Le Pr. Mohamed Cherif Belmihoub, économiste, estime que la mère des batailles pour l'administration algérienne est de réformer au plus vite le régime actuel de la fiscalité, ou l'administration des impôts. Il a expliqué hier mercredi à la radio nationale que l'administration des impôts en Algérie est 'archaïque'', et qu'il faut réformer en urgence pour créer une plus grande rentabilité des produits de la fiscalité et accompagner la croissance économique du pays. «Nous avons une administration fiscale archaïque par rapport à ce qu'elle apporte à l'économie», «une administration fiscale efficace est celle qui est capable de fournir l'information à l'investisseur et à l'administration». «Chez nous, il y a des bases de données éparses, qui ne sont pas connectées», a-t-il précisé. Pour lui, «la réforme de l'administration fiscale est la réforme de la réforme, car l'administration est le bras administratif de l'Etat, et s'il n'est pas bon, il produit des effets pervers. Il faut donc réformer l'administration fiscale en particulier», préconise le Pr. Belmihoub. «Il n'est pas normal, ajoute-t-il, que 42% des recettes fiscales proviennent de l'impôt sur le revenu (IRG), alors que la TVA rapporte moins». Donc, estime-t-il, «on cherche la facilité, l'impôt sur le revenu, alors que l'impôt sur l'activité n'est que de 37%». «Le problème de l'administration fiscale est là, et c'est la vraie réforme qu'il faut faire». Notre professeur souligne en outre que «la réforme doit viser à améliorer l'assiette fiscale par la croissance, de ce qui existe déjà et dans ce qui est dans l'informel, qui est beaucoup plus profond et dans l'économie réelle». Sur la loi de finances 2018, adoptée dimanche au Parlement, le Pr. Belmihoub a relevé qu'elle ne recèle pas beaucoup de nouvelles dispositions fiscales, hormis le rejet de la proposition de l'impôt sur la fortune (ISF). «On s'attendait à ce qu'il y aurait beaucoup de changements dans la structure fiscale du pays en raison de la crise économique, mais finalement on a eu droit à une loi assez plate». La loi de finances 2018, qui a introduit pour la seconde année consécutive une hausse des prix des carburants, escompte sur des recettes budgétaires de 6.496,58 md de DA (contre 5.635,5 md DA en 2017) dont 3.688,68 md de DA provenant de la fiscalité ordinaire (contre 3.435,4 md DA en 2017) et 2.807,91 md de DA provenant de la fiscalité pétrolière (contre 2.200,1 md DA). Quant aux dépenses budgétaires globales prévues par le PLF2018, elles sont de 8.628 milliards de dinars (md DA) dont 4.043,31 md de DA pour les dépenses d'équipement et 4.584,46 md de DA pour les dépenses de fonctionnement. Sur le report de l'ISF, il a expliqué qu'«on s'est rendu compte qu'il n'était pas bien cerné tant sur le plan du rendement que de son assiette, avec notamment son applicabilité, l'administration des impôts étant assez archaïque». «Et puis le seuil de base était trop bas (50 millions de DA, Ndlr), ce qui ne justifiait pas la mise en place de cet impôt, qui n'était pas bien préparé et donc a été remis à plus tard», souligne le Pr. Belmihoub. «En plus, la rentabilité économique du projet n'a pas été bien mesurée». La prévision de recette de 5 milliards de dinars tirés de cet impôt sur la fortune était «peu, mais son annonce a eu un effet positif sur la société». «Mais, ajoute t-il, on s'est rendu compte qu'il était difficile de l'appliquer» ; qu'«on aurait dû continuer à appliquer l'impôt sur le patrimoine avant la mise en place de l'ISF». Le projet de loi de finances 2018 voulait remplacer l'impôt sur le patrimoine, non appliqué et mis en péril par la non déclaration fiscale des personnes soumises à cet impôt, par l'ISF avec un seuil d'imposition fixé à 50 millions de dinars et un réaménagement de son barème, qui a doublé les taux de l'impôt sur le patrimoine, toujours en vigueur. Pour identifier l'impôt sur la fortune, «il faut trouver des indicateurs multiples pour, et non pas se baser sur un seul facteur». «Et, à chaque fois qu'un impôt est proposé puis retiré, la crédibilité de l'Etat est alors engagée, et donne de mauvais signes de l'administration fiscale». Par ailleurs, le Pr. Belmihoub estime qu'il faut «élargir l'assiette de la fiscalité, soit par la croissance, soit par des saisies de l'informel, et c'est le problème de l'administration fiscale algérienne». Sur le 'patrimoine'' du secteur de l'informel, il a estimé, pour en évaluer la masse monétaire qui y circule, faire «une vraie enquête pour bien saisir le secteur informel et établir sa valeur. Après, on peut attaquer chaque segment avec des outils séparés». Pour l'amélioration du recouvrement fiscal, il a souligné qu' «un impôt lourd sur les revenus incite les gens à ne pas déclarer leurs impôts». Pour cela, «il faut mettre en place des incitations fiscales au lieu d'aller directement vers la collecte de l'impôt sur la fortune, qui pourrait jouer son rôle dans la croissance économique». Le Pr Belmihoub estime ainsi qu'il faut «encourager la croissance par le soutien à l'investissement, et interrompre les subventions aux secteurs qui entrent en production dont les projets agricoles, et inciter les gens à augmenter leurs capacités de production». Par ailleurs, le système des licences, pour lui, «a des effets pervers et introduit la corruption, ainsi que le détournement et le contournement de la loi». Mieux, «les inputs de production, importés, sont affectés par ces licences d'importation», affirme-t-il.