La Cinémathèque algérienne et la filmathèque Mohamed-Zinet de l'Office Riadh El Feth abritent, depuis lundi, une série de projections de films et de conférences- débats, animés par Jean-Michel Frodon, directeur des Cahiers du cinéma, et Agnès Devictor, docteur en sciences politiques comparatives et spécialiste du cinéma iranien. Invités par l'ambassade de France et le Centre culturel français d'Alger (CCF), les deux spécialistes interviennent sur deux sujets relatifs respectivement au “Cinéma français, Nouvelle vague d'hier et d'aujourd'hui” et “La réponse des réalisateurs face au contexte de production économique et politique difficile en Iran entre 1979 et 2004”. Cette initiative, qui s'inscrit dans le cadre de la projection par le CCF des plus célèbres films de la nouvelle vague, fait suite au succès des films lancés en Algérie avec le concours de l'ambassade de France, notamment Chouchou de Merzak Allouache, Comme une image de Agnès Jaoui, Alexandrie… New York de Youcef Chahine et très récemment Dans tes rêves de Denis Thybaud. Dans sa conférence sur la nouvelle vague du cinéma français, Jean-Michel Frodon évoquera la naissance de ce mouvement fin des années 1950-début des années 1960. Un courant qui est intervenu, selon lui, “à la faveur des mutations socioéconomiques que connaissait la société française et qui est un mouvement de critique né à l'initiative de jeunes cinématographes de l'époque”, a estimé le directeur de rédaction des Cahiers du cinéma. Le mouvement a été mené alors par les plus brillants journalistes des Cahiers du cinéma, comme François Truffaut, Jean-Luc Godard, Eric Romaire et Claude Chabrol. Ce nouveau courant a été, par ailleurs, motivé par les mutations sur le plan social et l'émergence d'une élite occupant plusieurs responsabilités à la tête de l'Etat et qui encourageaient l'art et la culture conférant une nouvelle dynamique à la production cinématographique, a-t-il précisé. “Un mouvement qui se poursuit encore a également inspiré d'autres domaines tels la photographie, les arts plastiques et la littérature moderne”, souligne Frodon, qui précise que plusieurs techniques ont été introduites grâce à ces orientations dont celle du groupe des Cahiers du cinéma, notamment Godard et Truffaut qui ont révolutionné la manière classique du traitement des évènements. Le conférencier a évoqué la vision des autres cinématographes envers cette vague et son impact sur les cinémas du monde, notamment en Amérique latine, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Dans un autre contexte, Agnès Devictor, spécialiste du cinéma iranien, qui a connu un véritable essor dans les années 1980, tentera une lecture dans le contexte et les conditions de l'émergence du cinéma iranien post-révolution. “Le cinéma iranien est l'un des cinéma les plus développés dans le monde avec une production variant entre 70 et 90 longs métrages par an. J'ai essayé de comprendre comment ce cinéma a connu un tel essor dans un contexte révolutionnaire hostile au cinéma”, dira la conférencière. Elle revient sur l'état de déstructuration de la profession cinématographie au lendemain de la prise de pouvoir par l'ayatollah. “Sur 448 salles existant, il ne reste aujourd'hui que 285 salles. Au lendemain de la révolution, les producteurs ont quitté le pays, il n'y avait plus de distributeurs, les réalisateurs s'étaient arrêtés de faire des films … on pensait que le régime allait interdire le cinéma. Mais ce ne fut pas le cas et dans son premier discours, Khomeiny avait clairement dit que la révolution n'était pas contre le cinéma mais contre la corruption morale”. Chose qui, selon Devictor, avait ouvert la voix à une très forte censure en dépit de l'existence d'innombrables moyens de financement et de soutien au cinéma à travers des institutions spécialisées et autres nébuleuses opaques. Le but ou l'objectif de l'aide au cinéma par le régime de Téhéran reste indissociable de l'essor que connaîtra le cinéma iranien dès les années 1980 et qui était de conserver un loisir populaire contrôlable. L'oratrice ne manquera pas de souligner le génie des réalisateurs iraniens qui, malgré la censure pluridimensionnelle, ont su produire des films de haute facture, à l'image de Abbas Kiarostami. Sous le thème “Nouvel impact de la nouvelle vague du cinéma français sur le monde”, le public algérois pourra voir plusieurs films dont Hiroshima mon amour d'Alain Resnais, Jules et Jim et Baisers volés de François Truffaut et Loulou de Maurice Pialat, à la salle Mohamed-Zinet. W. L.