S'il se trouve aujourd'hui une sinistre réalité qui offusque quotidiennement le citoyen tiareti, c'est indéniablement l'incommensurable dégradation du cadre de vie. La sonnette d'alarme a été tirée plusieurs fois, tant par la population que par le mouvement associatif qui la représente, notamment l'association écologique Green Peace qui a perpétuellement fait resurgir les différentes questions relatives à l'environnement, à l'homme et aux préoccupations de ce dernier dues à son interaction avec son habitat et ses besoins inassouvis que la nature assume dans un silence assourdissant. Il va sans dire que la prolifération des décharges désordonnées et l'entassement des déchets de manière anarchique à l'intérieur des cités urbaines constituent une véritable agression de l'environnement et de la santé du citoyen. Une détresse si profonde qui ne peut échapper au regard au niveau de Oued Tolba, Zaâroura, Teffah ou ailleurs à travers les moindres recoins de la capitale rostomide. Néanmoins, la plupart des dépotoirs, même ceux autorisés, ne répondent à aucun critère de préservation du cadre de vie et les usagers ne se gênent aucunement à y déposer leurs déchets, y compris ceux hospitaliers et industriels, sans le moindre contrôle. Pour M. Aïssat, un élu à l'APC de Tiaret chargé de la division des travaux et moyens généraux, la lacune se trouve déjà à la base, dans la mesure où l'évacuation des ordures ménagères est confiée à 80% aux enfants qui ne savent ni comment ni où les déposer. Une autre conséquence est l'urbanisation accélérée de la population qui veut que les gens se trouvent entassés dans des quartiers gigantesques et “bidonvillisés” où les conditions de vie s'avèrent lamentables et les moyens déficients. Par les besoins en espace et en ressources qu'elle engendre, et par la destruction démesurée de l'environnement qu'elle provoque, elle est, cependant, l'un des problèmes qui engagent l'avenir de la population. La menace des décharges sauvages L'ouverture à l'économie de marché n'a pas été sans métamorphoser les habitudes de consommation et transformer le contenu des poubelles ménagères. Ainsi, la quantité des ordures collectées par la commune de Tiaret a exagérément augmenté ces dernières années pour atteindre 160 tonnes par jour, soit un ratio de 0,96 kg/j/habitant. Ces déchets sont composés à 73,6% de matières organiques, 11,4% de papiers et cartons, 6,6% de matières plastiques et le reste (8,4%) d'autres débris et déblais. Au demeurant, les services concernés de la commune ont enregistré l'existence alarmante de 136 décharges sauvages, 1 136 fosses sceptiques et 245 vides sanitaires. Cette situation met en évidence le fait que la gestion des déchets solides urbains devient difficile. Par conséquent, diverses pollutions, aussi bien biologiques que chimiques, peuvent être générées. Par lessivage des dépôts de déchets par les eaux pluviales et infiltrations, ces nuisances risquent d'altérer les eaux superficielles et souterraines telles que celles puisées dans les 2 013 puits que compte cette commune. Ainsi, la population est fatalement exposée à plusieurs maladies telles que la dysentérie, la fièvre typhoïde ainsi que d'éventuelles affections dues aux substances toxiques pouvant se trouver dans ces décharges. De même, ces dépotoirs à ciel ouvert sont propices à la propagation de bien d'autres fléaux comme la rage, le choléra… qui sont véhiculés par certains animaux errants tels que les chiens, les chats et les tiques de certains rongeurs (rats et taupes). L'environnement est l'affaire de tous Depuis toujours, la commune est chargée du nettoyage de la ville et de la collecte et du traitement des déchets solides. Mais le manque de formation et d'information du personnel concerné constitue, paradoxalement, un handicap à une gestion efficiente dans les zones urbaines. Afin d'y pallier, ce volet est repris de fort belle manière, depuis quelques mois, par les pouvoirs publics qui ont initié une formation pour les agents chargés de l'hygiène communale. Dans ce contexte, l'APC de Tiaret a tablé sur un programme finement étudié visant à réorganiser et valoriser ce dossier qui se veut d'actualité en commençant par définir la cartographie de la commune qui est divisée en dix secteurs. Un arrêté du wali ayant pour but de renforcer le cadre législatif et réglementaire de cette action a été dernièrement signé. Dans ce sillage, différentes opérations sont inscrites à l'ordre du jour de ce programme, à savoir le traitement des puits, vides sanitaires et fosses sceptiques, actions itératives de volontariat au niveau des cités, recensement des étables clandestines, organisation de journées spéciales pour les déchets spécifiques, déblais de construction et ferrailles. À l'issue de quoi, des prix seront décernés aux meilleurs établissements et quartiers sains et verts. Cependant, le lessivage des principales artères de la ville ainsi que les réseaux d'assainissement et d'AEP sont prévus dans ce dossier qui est agrémenté par d'autres initiatives telles que les campagnes d'abattage des chiens errants, de désinsectisation, de dératisation, de chaulage et désherbage, et celle de reboisement qui s'étalera sur une durée de quatre années avec l'objectif de planter 50 000 arbres, soit 1 250 arbres par secteur et par an. Par ailleurs, une équipe de cadres est entrée en formation pour la gestion du centre d'enfouissement technique qui sera incessamment opérationnel au niveau de la décharge intercommunale regroupant les communes de Tiaret, Sougueur, Mellakou et Aïn Bouchekif. Au préalable, il est convenu, selon M. Aïssat, de réfléchir à la possibilité de mettre en place un système de partenariat avec le secteur privé, comme l'entreprise de collecte soutenue par l'Ansej à Karman et qui est déjà entrée en activité. S'agissant de l'enlèvement des ordures ménagères, les “héros de la nuit”, comme voulait les qualifier M. Aïssat, s'affairent entre 20h et 8h selon un planning tracé à cet effet. Nonobstant, la question relative au bien-être de la ville ne peut être du seul ressort des collectivités locales, voire de la commune, mais aussi des citoyens qui sont appelés à consentir le maximum d'efforts et de civisme. Pour ce faire, une campagne d'information et de sensibilisation, soutenue par un éventail de moyens de support, est déclenchée depuis samedi dernier pour une durée d'un mois. S'agissant du suivi de ce programme, deux brigades multidimensionnelles, dont l'une au sud et l'autre au nord de Tiaret, seront mises en place dans les prochains jours et auront pour mission de contrôler le cadre de vie et de prononcer des sanctions à l'encontre des réfractaires. Rahouia : bidonvillisation Amertume, désolation et instabilité morale : tels sont les ingrédients qui s'offrent, devant l'indifférence, la passivité et surtout le laxisme des autorités locales, au menu méprisant de cette ville qui mérite pourtant mieux. Un constat amer qui se caractérise par la dégradation sans explication du cadre de vie qui subit de perpétuelles fissures sociales. De la cité Emir-Abdelkader à celle de Benouis-Rabah en passant par le quartier Hamar, en plus des dépotoirs enracinés, ce sont les eaux usées qui se déversent de toutes parts, un phénomène non seulement inéluctable mais porteur d'une affliction indescriptible. Bien que fortement engagé, le plan d'urbanisation, voire la construction de nouvelles cités, semble enfoncer au lieu de soulager les populations qui ne savent plus à quel saint se vouer. Néanmoins, cette situation ne fait que se confirmer et s'aggraver davantage en plusieurs endroits tels que les nouveaux HLM qui sont “ornés” en si peu de temps par des taudis construits à base d'objets usés. Cette ville, jadis carrefour des compétences et des initiatives, support stimulant pour l'éducation et l'innovation, lieu d'ouverture au monde, favorisant le décollage économique par sa vocation céréalière et sa situation géographique qui fait d'elle le carrefour entre les wilayas de Tiaret, Relizane, Mascara…, devient, au fil du temps, un cercle de tous les vices et un dépotoir de toutes les saletés. R. S.