Devant la recrudescence de la violence en Irak, le secrétaire d'Etat US à la Défense est allé à la rencontre de l'ex-maître de Bagdad, dans l'espoir de le convaincre de lancer un appel à la cessation des attaques en échange de l'exil. Dans sa dernière édition, l'hebdomadaire caïrote Al Ousboue a rapporté les détails de la réunion sécrète qu'a eue Donald Rumsfeld avec le président irakien déchu, Saddam Hussein, au cours de sa dernière visite surprise en Irak. L'aggravation de la situation sécuritaire dans ce pays, relevée par le rapport de Rumsfeld, où l'on enregistre une moyenne de trente morts par jour, contraint les Américains à chercher un moyen autre que la force pour parvenir à un apaisement. Leurs contacts avec diverses personnalités irakiennes ayant échoué, les émissaires US n'avaient plus qu'à tenter de convaincre Saddam Hussein d'intervenir dans ce sens, comme cela avait été recommandé par toutes les personnes sollicitées jusque-là. À partir de là, George W. Bush a chargé son secrétaire d'Etat à la Défense de prendre langue avec l'ancien chef de l'Etat irakien, dans sa prison située aux alentours de l'aéroport de Bagdad, afin qu'il accepte de lancer des appels au calme. En échange de sa collaboration, Saddam bénéficierait de mesures de grâce, consistant en un départ en exil vers le pays de son choix, avec des moyens financiers qui lui permettraient de vivre aisément. Il faut dire que la discussion entre les deux hommes n'a guère été amicale, à voir les réponses sèches du prisonnier, qui avait tenu au début du contact à rappeler à son vis-à-vis que ce sont les Etats-Unis qui sont responsables de la situation que traverse l'Irak, depuis son occupation. Saddam Hussein a insisté pour savoir si les soldats américains avaient trouvé les armes de destruction massive, raison de la guerre menée contre son pays. “Pas encore”, répondra Rumsfeld, qui essayait, à chaque fois, de concentrer la discussion sur le but de sa mission, à savoir l'offre de liberté en contrepartie d'un appel au calme. La proposition de Donald Rumsfeld “Je vous fais une seule proposition qui consiste en votre libération. Vous aurez la possibilité de choisir le pays d'exil, à condition que vous apparaissiez sur les écrans de télévision pour condamner le terrorisme et appeler vos hommes à cesser leurs actions”, dira le premier responsable du Pentagone. “Avez-vous l'assentiment de votre président pour cette offre ?” rétorquera Saddam. “Oui, cette proposition a été adoptée lors d'une réunion qui a regroupé le président et son adjoint, le directeur des services du renseignement, ainsi que la secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Et j'ai été chargé de vous la présenter.”, dira Rumsfeld. La réponse a été : “C'est vil.” Ne s'arrêtant pas là, le ministre US ajoutera : “Nous sommes également disposés à faire participer des personnalités proches de vous au pouvoir.” “Et quoi encore ?” demandera Saddam. “Nous vous donnerons une aide financière respectable. Vous serez en sécurité et bénéficierez de la confidentialité dans le pays que vous choisirez”, continuait le représentant de George Bush. “Voulez-vous connaître mes conditions ?”, répliquera l'ancien président irakien. “C'est mon souhait”, répond son interlocuteur. Les conditions de Saddam Hussein “Tout d'abord, j'attends de vous l'établissement d'un échéancier de départ de vos forces d'Irak et que votre gouvernement s'engage publiquement à le faire. La première étape de retrait doit avoir lieu dans l'immédiat. Deuxièmement, je vous demande de libérer tous les prisonniers irakiens et arabes dans les prisons. Troisièmement, vous vous engagez à dédommager le peuple irakien pour toutes le pertes matérielles et humaines que vous avez causé à travers votre agression, depuis 1991 à aujourd'hui”, a demandé entre autres Saddam. “Est-ce de la plaisanterie ?”, interroge Rumsfeld. Très sérieux, l'homme qui a dirigé l'Irak d'une main de fer pendant trois décennies répond : “Non, mais c'est l'amère vérité que vous refusez de voir. Monsieur Rumsfeld, vous avez commis le grand crime de l'histoire contre un pays arabe musulman. Nous nous sommes déjà rencontrés durant les années quatre-vingt. Vous rappelez-vous de vos propositions ?” Devant la réaction de son interlocuteur, Donald Rumsfeld tente de le convaincre qu'il ne faut plus revenir sur le passé et que les Etats-Unis étaient en passe de revoir leurs positions sur plusieurs questions. “Nous avons décidé de dialoguer avec les islamistes modérés et nous ne nous opposons plus à leur arrivée au pouvoir par les urnes. Mieux que cela, nous avons décidé d'ouvrir toutes les voies de dialogue avec les organisations terroristes, comme le Hamas, le Djihad et le Hezbollah, ainsi que toutes les mouvances intégristes à travers le monde”, affirmera le secrétaire d'Etat américain. “Ainsi, vous avez enfin décidé de revoir votre méthode erronée !” s'exclame Saddam. “C'est l'évolution naturelle des choses. Nous œuvrons à imposer la démocratie dans tous les pays et les mouvements du monde, soumis à la dictature”, rétorque Rumsfeld, avant d'ajouter : “Cette offre est historique pour vous. Nous allons vous libérer et nous discuterons avec vous de tout ce qui intéresse le pouvoir en Irak. Si vous refusez, c'est une occasion qui ne se renouvellera pas.” Le niet du Raïs “Je ne suis pas en quête d'occasion pour sauver ma vie de la potence que vous avez érigée pour tout le peuple irakien. Si j'avais voulu cela, je n'avais qu'à accepter l'offre russe. J'aurais sauvé mes deux fils et mon petit-fils du martyr. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ma famille, mes filles et mes petits-enfants, mais soyez sûr que je m'intéresse à ce qui arrive à tous les citoyens et à l'avenir du grand Irak plus qu'à moi et à ma famille. Vous m'avez déjà fait des offres similaires par le passé, notamment lorsque vous avez voulu que je dise que les armes de destruction massive ont été cachées en Syrie en échange de ma liberté. J'ai rejeté votre proposition et je vous renouvelle mon refus aujourd'hui”, tranche Saddam. “Je ne vous demande pas de me répondre maintenant. Je vous demande seulement de réfléchir. Nous sommes en train de revoir nos positions dans la conjoncture actuelle et notre objectif est de cesser l'écoulement du sang. Partant de là, notre offre émane d'une position de force et non de faiblesse”, argumente l'envoyé spécial de George Bush. Essayant de faire pression, Rumsfeld lancera : “Mais vous avez perdu le pouvoir”. “Il ne me reste que mon honneur, et l'honneur ne se vend ni ne s'achète”, répliquera Saddam. “Mais la vie a une valeur inestimable”, insiste l'émissaire américain. “La vie n'a pas de valeur sans dignité, et vous, vous avez dépossédé l'Irak de sa dignité, en souillant sa terre. Cette dignité sera récupérée avec ou sans Saddam, s'il tombe en martyr”, rétorquera sèchement le président déchu, pour montrer son refus définitif. K. A.