Le représentant personnel de Kofi Annan en Irak a trouvé la mort dans une violente attaque contre la représentation onusienne à Bagdad. La résistance irakienne a frappé fort mardi en ciblant, dans un attentat au camion piégé, la représentation de l'ONU à Bagdad lors duquel Sergio Vieira de Melo, l'envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, a trouvé la mort. C'est l'action la plus spectaculaire réalisée, depuis la chute du régime de Saddam Hussein, par les groupes de «résistance» irakiens, qui restent difficiles à identifier dans l'état actuel de la situation sécuritaire d'ensemble en Irak. La communauté internationale, et plus singulièrement les Nations unies, étaient hier sous le choc de la mort de Sergio Vieira de Melo, qui sut en peu d'années s'attacher l'estime et l'amitié de ses collègues de travail, des diplomates internationaux et de ses collaborateurs. Dans une première réaction à chaud, mardi, M. Annan, - qui devait donner hier une conférence de presse à Helsinki où il se trouvait en vacances-, a déclaré, consterné: «Rien ne peut excuser cet acte de violence gratuite et meurtrière contre des hommes et des qui sont allés en Irak avec un seul but : aider le peuple irakien à recouvrer son indépendance et sa souveraineté.» Le porte-parole de Kofi Annan a pour sa part indiqué que (l'attentat) «(...) est une tragédie personnelle et un recul pour l'ONU». En effet, la question qui se pose maintenant est de savoir pourquoi l'ONU, dont la seule mission qui lui est accordée par les maîtres de l'Irak, (la coalition américano-britannique) était d'ordre humanitaire, a été ciblée par ce violent attentat? Sergio Vieira de Melo, secrétaire général adjoint chargé de l'humanitaire s'est pourtant distingué ces dernières années par son action au Kosovo au Timor-Est, notamment, en direction de peuples alors persécutés par les Serbes et par l'ex-occupant indonésien. En Irak, la mission des représentants de l'ONU, comme le soulignait M.Annan, était d'aider. Or, en Irak, l'ONU, - mis sur la touche par les Etats-Unis et La Grande-Bretagne -, n'a eu aucune part dans la décision de déclencher la guerre contre ce pays. Mais, depuis la fin de la guerre, la coalition américano-britannique s'enfonce chaque jour un peu plus dans un bourbier de plus en plus meurtrier. Selon le décompte d'hier, il a été dénombré 24 morts alors qu'il y avait 107 blessés, chiffres pouvant encore évoluer à la hausse au fur et à mesure que les bulldozers dégagent les corps des décombres. En maintenant les Nations unies dans un simple rôle humanitaire, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont mystifié l'opinion publique quant à leur capacité à prendre en charge l'ensemble des problèmes inhérents à l'occupation. Après le tragique attentat de Bagdad, les «maîtres» de l'Irak se disent «ouverts» à une nouvelle résolution «renforçant» le rôle des Nations unies, comme vient de l'indiquer le secrétaire britannique au Foreign Office, Jack Straw, lequel souligne «Nous sommes (la coalition) très ouverts (à élargir le rôle de l'ONU) et j'ai commencé à parler au secrétaire d'Etat américain Colin Powell à ce sujet hier soir (cf: mardi)». En vérité, la coalition américano-britannique qui patauge de plus en plus en Irak, ou la résistance s'organise devenant même plus efficace - encore que l'attentat contre la représentation de l'ONU déconsidère quelque peu le combat des Irakiens pour leur indépendance et leur souveraineté - a fait tout faux en marginalisant la communauté internationale d'une part et plus singulièrement les Nations unies seules les plus aptes et les plus habilitées à connaître de cas comme celui de l'Irak. L'hégémonisme américain sur le monde a fait qu'aujourd'hui la sécurité du monde s'est trouvée fragilisée par la prétention de la superpuissance américaine de contrôler l'ensemble des Etats au bénéfice de ses seuls intérêts. Tâche gigantesque s'il en est s'il l'on mesure que l'omniprésent appareil militaire américain en Irak a été incapable d'assurer la sécurité du représentant spécial de l'ONU et de plusieurs de ses collaborateurs tués lors de l'attentat, d'une rare violence, au camion piégé. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a affirmé hier à Stockholm que «la puissance occupante (cf. la coalition américano-britannique) est responsable (du respect) de la loi et l'ordre, et de la sécurité dans le pays», précisant toutefois, malgré cet attentat, «nous poursuivrons le mandant qui nous a été confié par le Conseil de sécurité de l'ONU», éloignant par la même occasion la possibilité de transfert, en Jordanie, de la représentation de l'ONU à Bagdad, comme l'ont laissé entendre de fortes rumeurs hier qui ont circulé en début de matinée. Pour sa part, l'ancienne Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Mary Robinson, a estimé que «c'est un énorme coup (porté aux Nations unies) mais curieusement, il peut faire surgir la nécessité d'un mandat des Nations unies plus large et plus étoffé sur le terrain et d'une implication de davantage de pays sur place» ajoutant «c'est peut-être un appel au monde» considérant que «les Nations unies devraient jouer un rôle de direction (en Irak) au nom du monde et la sécurité devrait être maintenue par les forces de la coalition (américano-britannique occupant l'Irak) sur place avec l'aide d'autres pays». Fallait-il ce tragique attentat - un vrai carnage - pour que l'on admette (enfin?) le rôle prépondérant et incontournable de l'ONU?