Elle ne coûtera pas un seul dinar par ces temps de vaches maigres. Elle ne nécessite aucune procédure compliquée. Ce serait, non pas céder à une revendication des médecins résidents, mais plutôt répondre à une demande juste et légitime et se conformer à l'exigence du respect de la Constitution, notamment quand il s'agit des droits fondamentaux et de l'égalité entre les citoyens. L'une des revendications majeures des médecins résidents en grève depuis plus de 3 mois est le bénéfice au même titre que tous les citoyens de l'exemption du service national pour ceux ayant atteint l'âge de 30 ans et plus au 31 décembre 2017. Un communiqué officiel du ministère de la Défense nationale, Direction du service national, annoncé le 2 août 2017, a demandé aux citoyens algériens des classes 2005, 2006 et 2007, c'est-à-dire âgés de 30 ans et plus, de se rapprocher des centres et bureaux de rattachement du service national pour la régularisation de leur situation vis-à-vis du service national. Ont été exclus de cette dispense les citoyens algériens appartenant au corps médical au même titre que les insoumis. Il y a lieu de rappeler que des exemptions du service national ont été décidées par le passé au profit de certaines classes d'âges. Elles ont a chaque fois concerné toute la classe d'âge sans aucune discrimination. La dernière en date, avant celle d'août 2017, est celle instaurée par le décret présidentiel n° 14-370 du 23 décembre 2014 portant dispense de certains citoyens assujettis aux obligations du service national. Ce décret dispense, dans son article 1 les citoyens ayant atteint l'âge de 30 ans et plus au 31 décembre de 2014 et dans son article 2, les citoyens ayant atteints l'âge de 30 ans et plus et déclarés insoumis. Ce décret est signé par l'actuel président de la République, chef suprême des armées et ministre de la Défense nationale. Il y a lieu de relever dans ce décret présidentiel que : 1 – Tous les citoyens âgés de 30 ans et plus y compris les insoumis, sans discrimination aucune sont concernés par la dispense, 2 - Le président de la République a eu la délicatesse de réserver aux citoyens ordinaires d'une part et au insoumis d'autre part, a chacun un article afin, pensons-nous, de bien faire la part des choses et d'éviter tout amalgame. L'esprit et la lettre de ce décret présidentiel est que les citoyens sont, conformément aux droits fondamentaux consacrés par la Constitution, égaux devant la loi sans que puisse prévaloir toute forme de discrimination, y compris l'insoumission vis-à-vis du service national. Le communiqué du 2 août 2017, émanant de la Direction du service national, plutôt que de s'inscrire dans la lettre et l'esprit du décret présidentiel 14-370 du 23 décembre 2014, a introduit une double injustice, une discrimination et une indélicatesse envers le corps médical. Contrairement aux précédentes dispenses et notamment celle de 2014, c'est la première fois qu'une discrimination est prise au détriment du corps médical. Comment un communiqué officiel émanant d'une direction du ministère de la Défense peut-il être en contradiction avec l'esprit et la lettre d'un décret signé par le président de la République, ministre de la Défense nationale, chef suprême des armées ? L'article 32 de la Constitution énonce, clair, net et précis sans aucune ambigüité, que "les citoyens sont égaux devant la loi sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d'opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale". Il y a lieu de souligner que la relation entre les Algériens et le service national est basée sur la citoyenneté et non sur l'appartenance à une catégorie sociale ou professionnelle. Tous les textes régissant le service national, à commencer par la loi 68-82 du 16 avril 1968, jusqu'à la loi 14/06 du 9 août 2014 portant service national en passant par la charte du service national et l'ordonnance 74/103 du 15 novembre 1974 portant code du service national, se sont adressés au citoyen, qu'au citoyen à l'exclusion de toute autre considération. Le citoyen, accessoirement médecin, est et doit rester vis-à-vis du service national un simple citoyen. Par ailleurs, l'article 34 de la Constitution charge toutes les institutions, y compris le ministère de la Défense nationale, d'avoir pour finalité d'assurer l'égalité en droits et en devoirs de tous les citoyens. Dans le communiqué du 2 août 2017, les médecins sont mis dans le même article et logés à la même enseigne que les insoumis, sans aucune forme d'égard ou de considération pour leur fonction. Ce covoiturage forcé avec les insoumis est préjudiciable au corps médical. Cette promiscuité incongrue et regrettable introduit dans le subconscient des citoyens un amalgame entre le médecin et l'insoumis. C'est accroire que le résident, futur médecin spécialiste, aurait commis un double crime, celui d'avoir été un brillant lycéen, reçu au baccalauréat avec les meilleures notes, au-delà des 16 et 17 de moyenne, lui permettant l'accès aux études médicales puis celui d'avoir choisi des études longues et difficiles pour un noble métier au service de ses concitoyens. Cette discrimination est vécue et ressentie à juste titre par les médecins résidents comme une grande injustice et un déni d'un des droits fondamentaux consacrés par la Constitution. Les médecins résidents, frange la plus vulnérable, jeune et saine n'auraient jamais engagé une grève qui peut leur coûter une précieuse année et un bras de fer avec les pouvoirs publics s'ils n'étaient convaincus de leur bon droit. Afin de dépasser cette situation, une décision de dispense des citoyens médecins âgés de 30 ans et plus du service national ne coûterait rien aux pouvoirs publics et pourrait rapporter beaucoup. Elle ne coûtera pas un seul dinar par ces temps de vaches maigres. Elle ne coûtera rien en termes de gêne dans le fonctionnement des services de la santé militaire, cette dernière assure la formation de ses propres effectifs médicaux pour les besoins de ses services de santé. Une telle décision ne nécessite aucune procédure longue ou compliquée, un simple communiqué de la Direction du service national peut rétablir du jour au lendemain les citoyens appartenant au corps médical dans leurs droits légitimes au même titre, ni plus ni moins, que leurs concitoyens. Une telle décision qui ne coûte rien pourra rapporter beaucoup. Elle serait, non pas céder à une revendication des médecins résidents, mais plutôt répondre à une demande juste et légitime et se conformer à l'exigence du respect de la Constitution, notamment quand il s'agit des droits fondamentaux et l'égalité entre les citoyens. En accédant à cette revendication fondée elle apporterait un apaisement dans les relations tendues entre les pouvoirs publics et les médecins résidents et au-delà avec tout le corps médical voire avec toute la population. Elle permettrait de prouver la bonne foi des pouvoirs publics dans la recherche d'une solution. Elle permettrait de ré-entrouvrir les portes du dialogue actuellement fermées, voire soudées. Elle permettrait de rétablir une certaine confiance entre les partenaires à même de susciter une nouvelle dynamique prometteuse de solutions. Elle permettrait de rétablir dans les meilleurs délais la confiance et la cohésion, actuellement menacées, entre soignants et soignés. Nous ne comprenons pas comment une solution qui existe, qui ne coûte rien aux pouvoirs publics, qui n'a aucun inconvénient sur le fonctionnement des services de la santé militaire et qui n'a que des avantages en termes de cohésion sociale et d'ordre public en réponse à une revendication fondée et légitime n'ait été prise malgré plus de trois long mois de grève des médecins résidents. Devant cette situation de blocage, nous en appelons à l'intervention de son Excellence Monsieur le Président de la République, ministre de la Défense nationale, garant du respect de la Constitution, afin de prendre les décisions qui s'imposent dans un double souci, d'équité envers les médecins résidents et celui du bon fonctionnement des services de l'Etat, notamment dans un secteur des plus sensibles qu'est celui de la santé de la population. T. Y. (*)Président du Conseil régional de l'Ordre des médecins de Blida