L'Espagne a régularisé 700 000 travailleurs étrangers sans papiers. Le processus, présenté comme exceptionnel dans une Europe solidement emmurée dans son espace Schengen, vise, au-delà de considérations humanitaires, à normaliser une situation qui nourrit toute une économie souterraine dénoncée par Bruxelles. L'Espagne, dont les indicateurs sont au vert, avec une croissance en hausse constante, n'a cessé d'être interpellé par ses partenaires européens qui l'accusent de tirer profit de l'exploitation de son million et demi de travailleurs étrangers illégaux. Les bureaux de la Sécurité sociale, ouverts samedi jusqu'à 21 heures, ont été pris d'assaut par les immigrés, notamment à Madrid, Barcelone et Valence. Ainsi que les sous-préfectures, où les demandes de régularisation pouvaient être déposées jusqu'à minuit. Ces travailleurs, qui constituent le secret de l'essor fulgurant de l'Espagne et qui vivent dans des ghettos insalubres, loin du paysage de l'Espagne européanisée en moins d'un quart de siècle, sont sortis au grand jour pour ce rendez-vous de la dernière chance. Des dizaines de milliers avaient déjà fait la queue vendredi à travers tout le pays devant des bâtiments administratifs, mairies ou centres de Sécurité sociale, pour remplir les documents requis pour leur régularisation. Il s'agit d'un processus sans précédent, devait affirmer la secrétaire d'Etat à l'immigration, Consuelo Rumi ; et selon le ministre du Travail, Jesus Caldera, au plus 800 000 d'entre eux devraient obtenir le fameux permis de séjour. La condition étant d'être enregistré dans une commune espagnole depuis une date antérieure au 8 août 2004, au moment de l'arrivée du gouvernement socialiste. En tête des demandes figurent les Equatoriens, avec près d'un quart du total, suivis de Roumains (16,59%), de Marocains (11,56%) et de Colombiens (9,67%). 1,7 million étrangers vivent en Espagne en situation irrégulière, sur une population totale de 44 millions de personnes. Cette normalisation est jugée trop restrictive par des collectifs de sans papiers qui exigent du gouvernement d'être encore plus permissif. Ils ont reçu le soutien de près de 200 personnalités du monde de la culture, qui ont publié un manifeste dans lequel elles soutiennent que des mafias vendant des contrats de travail pour 8 000 euros seront les seules bénéficiaires de ce processus ! L'initiative du gouvernement socialiste espagnol, à contre-courant du durcissement des politiques sur l'immigration menées en Europe, a irrité plusieurs capitales de l'UE. D. B.