Sétif a connu, hier, une journée particulière où des milliers de personnes ont participé à une marche mémoriale commémorant les massacres du 8 Mai 45. Pour rendre hommage à ces victimes, les marcheurs ont emprunté le même itinéraire que celui pris alors par les manifestants du 8 Mai 45. Dès les premières lueurs du jour, les manifestants convergeaient par grappes vers la Mosquée de la gare près du siège de la wilaya, point de départ de la marche. En milieu de matinée, le cortège s'est ébranlé en direction de la célèbre place de Aïn El-Fouara en passant par la rue du 8-Mai-45, principale artère de la ville. Une délégation officielle composée, notamment de Mohamed Chérif Abbès, ministre des Moudjahidine, Yahia Guidoum, ministre de la Jeunesse et des Sports, Saïd Abadou, président de l'ONM… a pris la tête de la marche. Après avoir parcouru près de 500 mètres, les manifestants ont marqué une halte à l'endroit où est tombé le premier martyr, le jeune scout Saâd Bouzid et où la délégation a déposé une gerbe de fleurs. La marche s'est achevée à Aïn El-Fouara où des dizaines d'enfants habillés aux couleurs nationales entonnaient l'hymne algérien et d'autres chants patriotiques. Les organisateurs des festivités ont, par la suite, lâché une centaine de ballons dans le ciel alors que des youyous fusaient des balcons. “Quand je me rappelle le 8 Mai 45, je suis triste. Mais aujourd'hui en empruntant le même itinéraire, je suis heureux car je me dis que le sacrifice des martyrs n'a pas été vain”, confie non sans émotion Lakhdar Taâribt, un rescapé des massacres. Cet homme se souvient : “Début mai, la direction du PPA nous a demandé de préparer des manifestations pacifiques en prévision de l'annonce de la fin de la Seconde Guerre mondiale pour réclamer l'indépendance”. “Le 8 Mai 45, la manifestation était pacifique et lorsque la police a vu le drapeau algérien brandi par Bouzid Saâd, elle a ordonné la répression”, affirme encore cette ancienne figure de proue du mouvement national dans la région de Sétif. “Eux, ils avaient des mitraillettes, ça tirait de partout. Nous, nous n'avons que des battons”, témoigne un autre rescapé qui traîne toujours une blessure à la jambe. Noui Hamda, un autre rescapé s'appuyant sur une canne, garde également intact dans sa mémoire ce qui s'est passé ce jour-là. “Beaucoup de personnes ont été arrêtées au cours de cette manifestation et emmenées dans un camp militaire entouré de barbelés”. Selon lui, “même les colons ont participé au massacre puisqu'ils venaient faire sortir de ce camp des prisonniers avec la complicité des forces coloniales pour les tuer ensuite”. “C'étaient des règlements de compte”, précise-t-il. De son côté, le ministre des Moudjahidine a estimé que “les massacres du 8 Mai 45 ont été le prélude à la révolution du 1er Novembre 1954”. “Lorsque les Algériens étaient convaincus que la lutte pacifique et les manifestations n'apportaient aucun résultat, ils ont décidé de passer à la lutte armée”, a-t-il affirmé dans une déclaration à la presse. R. B.