Empruntant le même parcours qu'avaient suivi leurs aînés, les marcheurs se sont recueillis à l´endroit où avait été tué Bouzid Saâl. La célébration du soixantenaire du 8 Mai 45 revêt cette année un caractère particulier, tant il intervient dans une conjoncture marquée par la réconciliation entre Alger et Paris. Cependant, pour mieux sceller ces retrouvailles, l'Algérie attend de la France un geste « probant », un geste fort, dénotant de sa volonté à tourner la page du passé, sans pour autant oublier la tragédie subie par le peuple algérien. Hier, des milliers de personnes ont manifesté, dans la capitale des Hauts-Plateaux, pour, justement marquer à leur façon, la commémoration du soixantième anniversaire des boucheries du 8 Mai 45. Empruntant le même parcours qu'avaient suivi leurs aînés, les marcheurs, à leur tête les ministres de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès et de la Jeunesse et des Sports, Yahia Guidoum, se sont recueillis à l´endroit où avait été tué Bouzid Saâl, la première victime des massacres. Parcourant la rue du 8-Mai 1945 (ex-rue Georges Clémenceau), brandissant des banderoles où était inscrit «8 mai 45: crime contre l´humanité, début de la fin pour les forces coloniales», ils se sont rassemblés près de Aïn El-Fouara. Cette marche a été organisée parallèlement à la tenue d'un colloque sur le 8 Mai 1945, auquel ont été conviés des historiens, sociologues ... et avocats, à l'image de Me Jacques Vergès. Rappelons que cette commémoration a été précédée par des déclarations inédites depuis l'indépendance, mettant Paris sur la voie de la repentance. C'est le cas, notamment de l´ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière, qui avait rendu hommage aux victimes des massacres en se recueillant à leur mémoire, le 27 février à Sétif. Parlant de "tragédie inexcusable" à propos de ces événements, M.Colin de Verdière avait, cependant fait un amalgame de taille. Celui d'avoir expliqué la tragédie du 8 Mai 1945 par «un abîme d´incompréhension entre les communautés» comme si ces événements étaient le fait d'un différend ayant opposé "cet enchaînement d´un climat de peur, de manifestations et de leur répression, d´assassinats et de massacres". S'exprimant, hier, devant le personnel de l'ambassade de France à Alger, Hubert Colin de Verdière a rendu hommage aux artisans de la victoire du 8 mai 1945, tout en saluant la mémoire des milliers d´Algériens tués. «Gardons la mémoire de toutes les victimes, dans une démarche exigeante, donc volontaire, celle de la vérité», a déclaré le diplomate. «Puisque nous servons en Algérie, nous ne pouvons, moins que quiconque, oublier la tragédie qui a marqué ici la légitime célébration de la victoire», ajoute de Verdière. Par ailleurs, dans un message adressé aux participants au colloque sur le 8 Mai 1945, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a pour sa part affirmé que «le peuple algérien en entier attend encore de la France (...) que les déclarations de l´ambassadeur de France soient suivies d´un geste plus probant». Dans une allusion à une éventuelle demande de pardon de la France, M.Bouteflika a souligné que «le peuple algérien a accueilli favorablement les propos de Son Excellence l´ambassadeur de France (...). Des propos qui laissaient croire à des tentatives de reconnaissance par les commanditaires et les auteurs des massacres du 8 mai 1945». Avant de poursuivre: «Nous pensons qu´il est de la responsabilité des historiens algériens en premier lieu et de la responsabilité des historiens de l´autre rive, de dévoiler en toute objectivité, honnêteté et esprit scientifique et en toute neutralité, les ambiguïtés qui entourent ces massacres et d´autres», a ajouté M.Bouteflika. La Fondation 8-Mai 45, créée en 1990 par l´ancien ministre algérien Bachir Boumaza, milite pour que ces événements soient qualifiés de "crimes de guerre" et de "crimes contre l´humanité". Son président, Mohamed El-Korso, a exprimé le souhait de voir la France faire "son mea culpa" pour sa responsabilité dans ces tueries. A la veille de la signature du traité d'amitié avec l'Algérie, n'est-il pas temps pour la France de se regarder en face et de reconnaître ses crimes. En tout cas continuer à tergiverser ne ferait que retarder le «partenariat d'exception» tant escompté.