Bien que le phénomène de l'émigration clandestine ne date pas d'hier et soit un sujet récurrent pour les médias, il n'est plus à sous-estimer tant il a pris des proportions incontrôlables, surtout dans la région ouest du pays. Les chiffres en notre possession pour cette région du pays totalisant quatre wilayas du littoral, d'après les derniers bilans actualisés au 21 février, font état de près de quinze cadavres découverts et 600 harragas interceptés depuis 2017. À ce sujet, pour le seul mois de septembre de la même année, selon des sources concordantes, 235 harragas, dont 12 adolescents et 6 femmes, ont été interceptés par les gardes-côtes en provenance de la région ouest du pays. 25 d'entre eux ont été sauvés in extremis d'une mort certaine, 10 ont été repêchés en pleine mer alors que 15 jeunes se sont retrouvés livrés à eux-mêmes suite à une panne de moteur de leur embarcation. Ceux-là ont été localisés grâce à leurs téléphones portables. Durant le mois d'octobre 2017, 458 candidats à l'émigration clandestine ont été interceptés à l'Ouest par les gardes-côtes espagnols, dont 35 adolescents et 11 femmes. Pour la région de Mostaganem, 279 migrants clandestins ont été interceptés depuis janvier 2017 et 9 cadavres ont été découverts sur les plages de la wilaya, depuis janvier 2018. Les wilayas d'Oran, d'Aïn Témouchent totalisent, quant à elles, près de 300 aventuriers interpellés par les services de sécurité, et pour deux autres, leur nombre s'élève à 13 corps. Ces départs à l'aventure en haute mer qui ne cessent d'augmenter s'expliquent par le fait que les harragas optent pour l'émigration clandestine même en hiver, alors qu'il y a quelques années, ce fléau social se faisait en été lorsque la mer était calme. Aujourd'hui, avec l'explosion des départs depuis les côtes ouest de l'Algérie, et notamment Mostaganem, les services de sécurité, Protection civile et Gendarmerie nationale, sont beaucoup plus aguerris dans l'approche de la problématique, bien que cela demeure insuffisant pour l'endiguer. Dans cette "guerre" acharnée entre les passeurs qui profitent de "l'intarissable'' demande de personnes désespérées pour les déplumer sans scrupules et les gardes-côtes chargés de traquer les embarcations de harragas, ce sont ces derniers qui paient le plus souvent les pots cassés des naufrages à répétition. Et à ce propos, la mer ne cesse également de rejeter des cadavres, dans la majorité des cas en état de décomposition avancée. Leur profil est, selon nos sources, souvent le même : tranche d'âge entre 25 et 35 ans, sans emploi ou au mieux vendeurs dans l'informel, ils ont choisi ce type de "filière'' pour se faire de l'argent facilement, car d'après un patron de pêche ayant requis l'anonymat, "c'est moins risqué que le trafic de drogue". Le malheur dans tout cela est que cette situation n'est pas près de changer et beaucoup d'autres cadavres seront encore rejetés par la mer sur les plages de la côte mostaganémoise et surtout celles de l'Est, où la population jeune (hommes et peu de femmes) alimente l'essentiel des réseaux de passeurs contre des petites fortunes pour ces chômeurs et travailleurs journaliers rêvant d'un monde meilleur (la place dans une embarcation coûte jusqu'à 100 000 DA) sans la garantie d'arriver à bon port, bien sûr. M. Salah