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Hassina Oussedik : "Les autorités ne tolèrent pas la contestation"
Amnesty international série les violations des droits de l'Homme en 2017
Publié dans Liberté le 24 - 02 - 2018

En 2017 encore, les autorités algériennes "ont emprisonné, arbitrairement, des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits humains, des militants et des journalistes", déplore Amnesty International.
"Nous assistons à un moment historique où un nombre croissant de personnes se mobilisent pour demander justice. Si les dirigeants ne parviennent pas à comprendre ce qui pousse les populations à la contestation, ils courront à leur perte. Les gens ont clairement fait comprendre qu'ils veulent que soient respectés leurs droits fondamentaux ; les gouvernements doivent, à présent, montrer qu'ils les ont entendus." Ces propos ne sont ni d'un opposant algérien ni d'un observateur critique, scrutateur de la dynamique sociale de ces derniers mois, mais de Salil Shetty, secrétaire général d'Amnesty International (AI). Dans son rapport 2017 sur la situation des droits de l'Homme dans le monde rendu public jeudi, AI relève trois grandes tendances qui touchent plusieurs régions de la planète : "des discours de diabolisation et de haine à l'égard des minorités", "les conséquences des politiques d'austérité sur les populations" et "le recours des gouvernants à la répression contre les libertés fondamentales". "Les Etats utilisent la force de façon excessive, il ya une intolérance à la contestation (...)", commente Hassina Oussedik, directrice d'Amnesty Algérie. Mais ce constat qui englobe 159 pays, s'applique aussi à l'Algérie où cette ONG égrène une série d'atteinte aux droits de l'Homme. "En 2017, les autorités ont emprisonné, arbitrairement, des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits humains, des militants et des journalistes. Les associations ont continué d'être confrontées à des restrictions injustifiées, et la législation limitant le droit de former des syndicats est restée en vigueur. Des membres de la minorité religieuse musulmane Ahmadie ont été injustement poursuivis en justice. L'impunité pour les atteintes aux droits humains commises par le passé est restée la norme. Les autorités ont procédé à des expulsions massives de migrants. Les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort ; aucune exécution n'a eu lieu", relève le rapport présenté jeudi à l'hôtel Sofitel par la directrice d'Amnesty Algérie. Arrestations de personnes qui manifestaient contre le chômage ; le cas Merzoug Touati, ce blogueur de Béjaïa, détenu pour avoir réalisé une interview avec un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères ; le cas du journaliste, Saïd Chitour, arrêté en juin par la police sur des soupçons d'espionnage et de vente de documents classés secrets à des diplomates étrangers ; maintien dans le vide juridique de nombreuses associations ; interdiction de deux rencontres de la Laddh, "harcèlement" d'avocats dont Mes Salah Dabouze et Nouredine Ahmine ; des procès "inéquitables" comme celui du Dr Kamel Eddine Fekhar et des détenus de Ghardaïa ; poursuite de pas moins de 280 membres de la minorité Ahmadie, dont le président, Mohamed Fali, "arrestation arbitraire et expulsion forcée sur la base d'un profilage ethnique" de plus de 6 500 migrants originaires de divers pays d'Afrique subsaharienne vers les Etats voisins du Niger et du Mali ; condamnation à des amendes de 27 harragas ; restrictions "abusives" du droit de création de syndicat, comme c'est le cas de la Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie, une confédération intersectorielle indépendante qui demande son enregistrement depuis 2013 ou encore l'interdiction du Syndicat autonome des travailleurs de Sonelgaz et "l'impunité" concernant la période des années 90 sont autant de griefs et de violations relevés par le rapport durant l'année 2017.
"L'Algérie doit s'ouvrir sur le monde"
"Les autorités n'ont pris aucune mesure pour ouvrir des enquêtes et combattre l'impunité en ce qui concerne les graves atteintes aux droits humains et les possibles crimes contre l'humanité, notamment les homicides illégaux, les disparitions forcées, les viols et les autres formes de torture, commis par les forces de sécurité et les groupes armés dans les années 1990, au cours du conflit interne qui a déchiré l'Algérie et a fait, selon les estimations, quelque 200 000 morts ou disparus", rappelle le rapport.
Lors de la présentation de ce rapport, la directrice d'Amnesty Algérie n'a pas manqué, notamment, d'appeler les autorités à la levée des interdictions sur les marches à Alger et à l'élaboration, dans les meilleurs délais, d'une "loi sur l'asile et les migrants" conforme aux normes internationales en vigueur. Elle plaide, également, pour la révision de la loi sur les associations, "la vérité, la justice et la réparation des victimes du conflit interne des années 90" et pour un Code du travail dont l'essence respecte les droits humains. Interrogée sur le phénomène des "harragas", Hassina Oussedik a estimé qu'il est "symptomatique du mal vivre". "Il est d'autant plus choquant que le pays est riche. Au lieu d'apporter des réponses économiques, le gouvernement recourt à la répression", déplore Hassina Oussedik. Par ailleurs, elle a noté la persistance de la "méfiance et de la frilosité" du gouvernement vis-à-vis des associations et des ONG alors "qu'elles peuvent, grâce à l'expérience acquise, être d'un apport précieux pour la résolution de certains problèmes". "Il est grand temps que l'Algérie s'ouvre sur le monde, qu'on permette la venue de rapporteurs, que les ONG viennent faire leur travail et qu'on confère une légitimité aux associations", conclut Hassina Oussedik.
Karim Kebir


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