“Partez. Vous avez intérêt à quitter Paris et toute la région si vous ne voulez pas avoir de sérieux ennuis”. Ces propos, qui sonnent comme des menaces, Khadoudja Bouabdellah les entend à chaque fois qu'elle va ces derniers mois voir son médecin traitant, en l'occurrence le Dr R'bibo, installé rue de Rennes dans le VIe arrondissement de Paris. En réalité, ce médecin n'est pas en train de lui adresser des menaces. Il veut plutôt la conseiller afin de l'aider à s'arracher aux griffes de certains de ses propres confrères des hôpitaux parisiens qui se sont effroyablement ligués contre cette malheureuse binationale. Le calvaire vécu par cette Franco-Algérienne n'a apparemment pas de semblable. “Vous avez osé traîner l'un des leurs devant la justice”, voilà, toujours selon le médecin traitant de Mlle Bouabdellah, la raison principale des ennuis de sa patiente qui avait osé se plaindre des mauvais traitements subis dans un hôpital de la capitale française par sa vieille tante. La mésaventure des deux femmes commence le 9 février 1998, lorsque Mlle Bouabdellah accompagne, aux environs de 14 heures, sa tante Ouiza Zobiri aux urgences de l'hôpital Saint-Joseph à Paris dans le XVIe arrondissement, pour y passer une radiographie. Tard dans la soirée, Mlle Bouabdellah, qui était jusque-là sans informations quant au sort réservé à sa tante, va aux nouvelles et apprend que le médecin réanimateur de garde, en l'occurrence le Dr Meshaka, avait décidé de son transfert vers la réanimation de l'Institut mutualiste Montsouris, où il était alors responsable au titre de premier assistant. Pour ce qui devait donc n'être qu'un simple examen de la hanche, la patiente s'est retrouvée intubée malgré elle et ventilée pour coma narcotique provoqué et placée sous respiration artificielle. La malade s'en sortira avec des complications graves, dont une septicémie. C'est donc dans ce contexte que la malade et sa nièce ont porté l'affaire devant la justice en saisissant en référé le président du tribunal de grande instance de Paris, à l'encontre du Dr Meshaka, l'Institut mutualiste cité plus haut et l'hôpital Saint-Joseph pour intubation abusive de Mme Zobiri. Dans son rapport qu'il établit quelques jours plus tard, le Dr Reynaud, désigné en qualité d'expert dans cette affaire, reconnaît que la concernée a présenté de nombreuses complications lors de son séjour de près de deux mois en réanimation où elle a contracté des infections nosocomiales. De plus, ce n'est qu'aux termes de ce rapport d'expertise que la nièce de la malade apprend que sa tante aurait une insuffisance respiratoire chronique qui aurait justifié son hospitalisation. Pourtant, dans un courrier en date du 21 mars 2000, le médecin traitant de la malade, le Dr R'bibo témoigne qu'il n'a “jamais constaté de problème respiratoire chez elle”. De son côté, le Dr Grapin du service de pneumologie de l'hôpital Ambroise-Paré de Boulogne atteste “avoir eu en consultation Mme Zobiri les 8 janvier 97, 8 octobre 97 et 28 janvier 98”, et qu'il “n'a constaté aucun signe clinique d'insuffisance respiratoire chronique”. Tout cela ne fait que contredire le résultat de l'expertise entreprise par le Dr Reynaud. La malade aurait-elle été mise à mal en déclenchant chez elle une insuffisance respiratoire contractée à l'hôpital Saint-Joseph ? Et aurait-elle été ensuite transférée à l'institut Montsouris ? S'agit-il d'un rabattage pur et simple des patients de la première structure vers cet hôpital, sachant que la prise en charge dans un service de réanimation est très coûteuse et par conséquent très lucrative ? Après l'avoir auscultée le 12 mars 1999, le Dr Bruno Sauron, neurologue à Paris, certifie en effet que “Mme Zobiri présentait un syndrome dépressif nécessitant un traitement médical et qui est apparu au cours d'une hospitalisation de deux mois dans le service de réanimation médicale de l'Institut mutualiste Montsouris entre février et avril 1998”. À partir de ce moment-là, la malade et sa nièce en entendront des vertes et des pas mûres de la part du personnel soignant à chaque fois qu'elles se présentaient dans une structure hospitalière de la région parisienne. L'affaire prend même quelquefois des tournures d'acte purement raciste si l'on se fie aux propos qui accompagnent les faits et gestes des agresseurs. Elles étaient déclarées persona non grata. Une campagne digne de l'inquisition est déclenchée par les autorités sanitaires dans le but de mettre sous tutelle la malade qui ne comprenait pas trop ce qui lui arrivait, en raison de ses difficultés liées à la langue. Mlle Bouabdellah découvre plus tard et de manière tout à fait fortuite que sa tante avait subi une opération chirurgicale à la tête. Le Dr Pascal Orrière certifie avoir examiné, le 19 août 2004, Mme Zobiri chez qui il a découvert “une marque, sur le crâne, régulière allant de la région située derrière l'oreille droite jusqu'à la région située derrière l'oreille gauche”. Pourtant, la patiente n'avait aucun antécédent médical ayant pu justifier une telle intervention. La victime aurait-elle été utilisée comme cobaye ? Sentant les agissements condamnables du personnel soignant à l'encontre de ses clientes, l'avocat de ces dernières va jusqu'à demander pour elles une protection à la justice. Cette animosité du personnel médical, elles la vérifieront en juillet 2004 lorsque Mme Zobiri se rend aux urgences du centre hospitalier Richaud de Versailles pour se faire changer une sonde urinaire. Sa nièce se présente le lendemain pour la raccompagner, mais là encore, elle découvre sa tante dans le service réanimation plongée dans un coma. Elle est apostrophée par le médecin-chef et d'autres membres du personnel soignant qui lui portent plusieurs coups de poing et de pied. Les menaces reprennent. Malgré les plaintes déposées, les harcèlements n'ont fait que doubler de férocité puisque tout récemment Mme Zobiri a été admise à l'hôpital Léopold-Bellan pour une grippe. Elle quittera l'hôpital quelques jours plus tard, mais trois jours après, elle avait toujours de la fièvre. Le médecin des UMP de Paris, qui selon Mlle Bouabdellah travaillait à l'Hôtel-Dieu, s'est déplacé pour ausculter la malade chez qui il a diagnostiqué une bronchite grave. Il demande à faire une radiographie du thorax et des analyses de sang. Mlle Bouabdellah affirme avoir rappelé les UMP pour prendre en charge ces examens, mais ces derniers, pour ne pas déroger à la règle, ne répondent pas, préférant, au nom d'une certaine solidarité corporatiste bien évidemment mal placée, laisser la suppliciée agoniser avant de rendre l'âme le lendemain. Orpheline de sa tante qu'elle a accompagnée à sa dernière demeure en Algérie, Mlle Bouabdellah ne semble pas près de baisser les bras et se dit décidée à se faire justice en déposant une nouvelle plainte auprès de la justice parisienne à l'encontre de ceux qu'elle accuse de non-assistance à personne en danger ayant entraîné la mort. H. S.