Le barreau d'Alger envisage d'agir, dans les prochains jours, pour le recouvrement des droits confisqués de la défense. Dernier rempart contre l'abus de pouvoir, la justice a été, peu à peu, accommodée à la conception autocratique du régime. Là où la loi permettait encore quelque liberté d'action citoyenne, le pouvoir, aidé en cela par un parlement professionnalisé, a rectifié les textes pour prévenir l'exercice des droits civiques résiduels. Les parlementaires, généralement présélectionnés en raison de leur soumission à un Exécutif omnipotent, se chargent de légitimer les instruments législatifs de l'autoritarisme. La carrière, entièrement subordonnée au bon vouloir du pouvoir réel, met les élus en situation de dépendance et les dépouille de toute autonomie législative. Après la révision du code pénal dans le sens d'une plus grande criminalisation du délit de presse, ce fut au tour de la profession d'avocat d'être assujettie à des règles astreignantes contre l'exercice de la défense. Auparavant, l'usage abusif du statut d'état d'urgence avait sensiblement réduit l'exercice des droits publics. En particulier, la capitale est devenue une “zone interdite” politique et civique. Les manifestations, rassemblements et grèves y sont “systémiquement” interdits. Paradoxalement, c'est au moment où le pouvoir prétend enregistrer une normalisation sécuritaire que les droits à l'expression publique sont déniés. Ce qui confirme le fondement autoritaire de ces restrictions. La justice est convoquée pour prendre sa part de répression des libertés individuelles et civiques. Ainsi, c'est par la loi que fut annulé un congrès du principal appareil politique du pouvoir et que sa direction fut remaniée au goût du clan dominant. C'est aussi par la loi que, par des procédures de référé, on interdit de manière préventive les grèves dans la fonction publique. Les structures et les luttes syndicales autonomes sont ainsi “légalement” réprimées. Bien sûr, la répression, qu'elle soit directe ou qu'elle emprunte la voie “légale” n'est possible que grâce à une large pratique du clientélisme politique. En évitant au pouvoir de s'exposer directement et dans chaque cas, il constitue le complément servant et de l'autoritarisme. Ce n'est alors que là où la résistance civile s'exprime que des mesures administratives ou législatives interviennent pour contraindre cette “désobéissance”. La légitimation juridique, puis judiciaire, transforme cet abus systématique en espèce de répression douce. Pas à pas, tous les espaces de droit sont reconquis par l'arbitraire. Et pour éliminer les dernières poches de résistance, les derniers droits sont repris à leurs dépositaires. C'est déjà au tour des avocats de se mobiliser. La marche résolue de l'hégémonique autorité du politique est parvenue à la barre. C'est dire le long chemin de la régression démocratique. M. H.