“À l'heure où l'on parle de réformes et de modernisation de la justice, il est temps de faire le diagnostic de ce chantier et de s'interroger si les droits de la défense sont toujours garantis pour assurer un procès équitable.” Telle est la principale problématique évoquée par Me A. Selini, président de l'Union nationale des barreaux d'Algérie, mercredi dernier, à l'auditorium de l'université Djillali-Liabès. L'occasion est l'organisation d'un séminaire national de deux jours sur “Les droits de la défense et le procès équitable” auquel ont participé de nombreux bâtonniers ainsi que des spécialistes et juristes venus de France. Dans son allocution d'ouverture, le bâtonnier de l'organisation des avocats de Sidi Bel-Abbès, Me Atmani, a souligné que cette rencontre est destinée en premier lieu à la formation des jeunes avocats pour les sensibiliser sur l'importance de leurs droits légaux pour une meilleure défense de leurs mandants. Lors de son intervention, le président de l'Union nationale des barreaux d'Algérie a indiqué : “En réformant la justice, on assurera un procès équitable. Les avocats se plaignent que leur statut ne soit pas finalisé. Ils estiment aussi que la chancellerie veut rogner encore le droit de la défense, et l'on ne se rend pas compte qu'on rognant ce droit, en réalité on rétrécit les voies et les moyens de recours aux justiciables. Car en ce qui nous concerne, l'avocat n'a pas de droit, mais il exerce les droits des citoyens, et il est là pour concourir à une meilleure justice, une meilleure représentativité et une meilleure approche du droit qu'attend le justiciable.” De son côté, Me Ismaïl Chellat, bâtonnier de la wilaya de Tizi Ouzou, a estimé : “Le procès équitable n'est pas pour demain. Chez nous, les innombrables cas d'inégalité et d'iniquité que l'on constate à travers les multiples décisions de justice prouvent encore que le ministère public continue à être une partie privilégiée, alors que normalement, cette notion ne devrait pas exister. Car nous estimons qu'entre le ministère public et la défense, les droits doivent être les mêmes.” Plus critique, l'intervenant a rappelé : “L'avocat n'assume pas son rôle ; ce n'est pas parce qu'il ne veut pas le faire, mais on l'empêche de l'assumer. Chez nous, l'avocat est considéré comme une personne douteuse dont il faut se méfier parce qu'il est plus porté sur l'argent que sur la notion de défense, et ce qui est tout à fait faux. Donc, je considère utopique de dire que l'avocat et le magistrat sont sur un pied d'égalité. Pour cela, nous proposons que l'on donne à l'avocat les moyens qui lui permettront d'exercer pleinement son rôle de défenseur.” Par ailleurs, Paul Nemon, avocat du barreau de Paris, ancien président de l'Union internationale des avocats et de l'union des Capra de France, a déclaré à Liberté : “Les discours de cette première journée m'ont paru un petit peu défaitistes. Car je considère que les confrères du barreau de l'Algérie qui luttent pour son indépendance doivent analyser et regarder avec plus d'optimisme et de vitalité cette notion du procès équitable. On doit pouvoir arriver à améliorer les choses dans le système de la justice et en tout cas, les avocats doivent participer pleinement dans l'amélioration de ce système. Les robes noires sont des juristes au même titre que les magistrats.” Et d'ajouter : “Toutes les grandes démocraties ont été faites non seulement par la loi, mais aussi par la jurisprudence. Donc, il y a beaucoup de travail à faire là-dessus ; les avocats algériens ont leur place et cela implique aussi un grand effort de formation qui permettra par la suite de critiquer”. A. BOUSMAHA