Pour Me Selini, président de l'Union des barreaux algériens, “la situation est grave du fait de l'accumulation, depuis une année et demie, des atteintes au droit de la défense”. Que vaut un système judiciaire algérien sans ses avocats et sans la protection des libertés fondamentales, dont le droit de la défense et celui des justiciables ? Cette question s'impose au lendemain de la grève nationale du 10 juin dernier, initiée par l'Union nationale des barreaux d'Algérie (UNBA), qui a été massivement suivie par les robes noires. Une action de protestation intervenant quelques jours après le débrayage illimité lancé au niveau des tribunaux de la wilaya d'Alger, pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur les questions relatives au respect des droits de la défense et au respect de la dignité de la profession, à l'arrêt des poursuites judiciaires à l'encontre d'au moins 39 avocats, et à la nécessité d'une meilleure formation des avocats. Pourtant, une telle interrogation se pose aujourd'hui avec acuité, surtout face au silence affiché par le ministère de la Justice. “Nous avons sollicité la tutelle à plusieurs reprises, une dizaine de fois. Son silence, même après les actions de protestation, montre qu'elle n'est pas décidée actuellement à prendre en charge les revendications des avocats”, a déclaré hier, à Alger, le président de l'UNBA, Me Abdelmadjid Selini, également membre du barreau au niveau de la capitale, lors d'un point de presse. Pour ce dernier, la situation est “grave du fait de l'accumulation, depuis une année et demie, des atteintes au droit de la défense”, au point de contraindre les avocats à recourir à la grève. Ce qui, selon lui, est un signe d'un “déficit du système (judiciaire)” et donc de la “non-réforme de la justice”. “Les avocats, qui sont censés protéger l'institution, dénoncent ce silence, alors que depuis 10 jours, le système est bloqué. On fait comme si de rien n'était… La chancellerie ne semble pas vouloir engager de dialogue avec l'union”, s'est écrié Me Selini, en se demandant “pourquoi on nous pousse à l'affrontement avec la tutelle”. Le responsable syndical a également annoncé la tenue, les 21 et 22 juin prochains à Alger, d'une assemblée générale de l'ensemble des élus des avocats des 13 barreaux que compte l'Algérie. “Le conseil de l'UNBA a convoqué cette assemblée pour débattre essentiellement de la plate-forme de revendications que nous avons adressée au ministre de la Justice et des poursuites judiciaires infondées qui touchent des avocats dans l'exercice de leur profession”, a indiqué ce dernier en qualifiant ces “violations à la loi” et le recours à la division des rangs de la défense de “moyens pour fragiliser et affaiblir les avocats”. Plus explicite, Me Selini a soutenu que le “rétrécissement du champ de l'avocat vise la mise en place d'une justice qu'ils veulent”. “Nous saisissons cette occasion pour demander encore au président de la République d'installer une commission qui se chargera d'évaluer si la justice algérienne a régressé ou non”, a par ailleurs souligné l'intervenant. Et ce dernier de dénoncer “les dérives de la justice” exprimées, notamment par “l'interférence de la chancellerie par des circulaires et des instructions” et “la fixation des audiences à 200 dossiers”, alors que la norme est de seulement 12 dossiers par audience, soit près de 200 dossiers par an, dans certains pays, ainsi que les “tentatives de déstabilisation de la profession d'avocat”. H. Ameyar