"Le premier cours a été écrit en 1886 par Belkacem Ben Sedira, un arabophone natif de Biskra en 1845, qui, en s'intéressant à la langue amazighe, finit par apprendre le kabyle", a rappelé Hend Sadi. "La transcription graphique reste le principal obstacle qui freine la généralisation de l'enseignement de la langue amazighe. Autrement dit, le pouvoir justifie sa volonté de bloquer la généralisation de l'enseignement et l'utilisation de tamazight par la problématique de sa transcription", a déclaré le professeur Hend Sadi, dans une conférence-débat organisée, jeudi dernier, au Centre culturel de Seddouk, par le collectif culturel du village Takaâtz. Le conférencier a eu à aborder le thème "Printemps berbère et enseignement de tamazight : entre hier et aujourd'hui." Lors de son exposé, Hend Sadi donnera d'abord un aperçu historique sur le combat identitaire et le processus d'enseignement de la langue de Massinissa en Afrique du Nord et particulièrement en Algérie. "Il y a, aujourd'hui, des témoignages incontestables que tamazight était langue officielle au sommet de l'Etat en 138 avant Jésus-Christ. Elle était écrite en tifinagh, alors que rares étaient les langues qui avaient des caractères pour leur transcription", a-t-il fait savoir. "C'est dire que les Berbères n'ont pas attendu Bouteflika pour décider de la transcription de leur langue maternelle !" Abordant l'historique de l'enseignement de tamazight en Algérie, il affirmera que "contrairement à la langue arabe qui a été enseignée par le colonisateur français dès 1833, tamazight n'a pu l'être, pour la première fois, qu'en 1883, à l'Ecole normale de Bouzaréah (Alger)". Avant de rappeler à l'assistance que "le premier cours de la langue kabyle a été écrit en 1886 par Belkacem Ben Sedira, un arabophone natif de Biskra en 1845, qui, en s'intéressant à la langue amazighe, a fini par apprendre le kabyle". Parmi les autres pionniers de la littérature berbère, le conférencier citera Saïd Boulifa, considéré comme le "précurseur berbériste", auteur notamment de l'ouvrage Les chants populaires du Djurdjura. Il y avait aussi l'universitaire français André Basset, considéré comme un fondateur de la linguistique berbère. "Il a été le premier chercheur universitaire à avoir fait une vraie étude scientifique de la langue amazighe. Lorsqu'il enseignait tamazight à la Faculté des lettres d'Alger, il y avait, parmi ses élèves, Mouloud Mammeri et Lionel Galant. Ce dernier a été professeur de berbère à l'Institut national des langues et civilisations orientales de 1956 à 1977, succédant ainsi au défunt André Basset", a-t-il expliqué. Notons que cet éminent spécialiste est décédé le 28 octobre 2017, à l'âge de 97 ans. Par ailleurs, l'orateur a rappelé quelques déclarations offensantes de certains détracteurs de la cause berbère, dont Abdelhak Bererhi, ministre de l'Enseignement supérieur à l'époque, qui accusait les militants d'Avril 1980 d'être "manipulés par le roi du Maroc, Hassan II, et le président français d'alors, Valéry Giscard d'Estaing". Ou encore l'actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, "qui s'érige en chantre de l'amazighité et de la démocratie, croyant ainsi nous faire oublier sa fameuse loi sur l'arabisation tous azimuts de 1998. Une loi qui aurait pu mettre le pays à genoux !", a-t-il asséné. Au sociologue Addi Lahouari qui se dit favorable à l'enseignement de tamazight, mais à condition qu'elle soit transcrite en caractères arabes, Hend Sadi répliquera : "Qu'a-t-il fait ou donné à cette langue ancestrale pour oser, aujourd'hui, imposer son choix ?" Lors des débats, Hend Sadi a dû reprendre la parole à maintes reprises afin d'éclairer davantage les nombreux intervenants qui lui ont posé des questions parfois sans lien avec le thème de la conférence. Ainsi, le conférencier a tenu à préciser que "la création du MCB et celle du RCD n'étaient, en aucun cas, destinées à contrecarrer le FFS, mais plutôt à renforcer la lutte en faveur de la cause identitaire et les libertés démocratiques". Interrogé sur le projet du Mouvement de Ferhat Mehenni (MAK), Hend Sadi dira : "C'est le pouvoir qui prône la division des rangs. Sinon, personnellement, je considère que le MAK ne peut constituer mon ennemi, bien qu'il prône un projet politique contraire au mien. Cela dit, tous les militants de la cause amazighe doivent se respecter les uns les autres." Kamal Ouhnia