"Les Amazighs en Afrique du Nord ne se voient pas minoritaires", a affirmé le sociologue. Cela pourrait, sans aucun doute, contribuer aux voix, même circonscrites pour l'heure, qui ambitionnent de fédérer les peuples d'Afrique du Nord : l'amazighité en tant que langue et culture constitue un formidable facteur d'"unité" et d'"homogénéité" pour cette région au "fonds anthropologue et sociologique commun". C'est, en résumé, la conclusion à laquelle est parvenue une étude conduite par le sociologue, Nacer Djabi et d'autres chercheurs de cinq pays d'Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie, Libye et Egypte). Intitulée "La gouvernance de la diversité : la situation des communautés amazighes en Afrique du Nord", cette étude a mobilisé 13 chercheurs et a englobé tous ces pays dans une approche multidisciplinaire et comparative. En plus de présenter les Amazighs dans les régions prises comme échantillons, à l'image de Siwa, en Egypte, Djebel Neffoussa en Libye, leurs Touareg, la Kabylie, la région chaouia, les Touareg d'Algérie, les Mozabites, le Rif et le Moyen-Atlas au Maroc, cette étude s'est intéressée à l'historicité des dynamiques dans chaque pays, mais également aux forces sociales ainsi que les élites qui sont derrière les mouvements en faveur de l'amazighité. "On est dans un même fonds anthropologique et sociologique. Les Amazighs en Afrique du Nord ne se voient pas minoritaires", a affirmé, hier, à Alger, le sociologue, Nacer Djabi, lors de la présentation de cette étude au siège du RAJ, en présence d'Abdallah Nouh, enseignant chercheur à UMMTO (Université Mouloud-Mammeri Tizi Ouzou), docteur en droit, doctorant en littérature et langue amazighes, et Samir Larabi, journaliste et sociologue. Même si pour le sociologue, il s'agissait de restituer la réalité du fait berbère et l'évolution de la revendication amazighe, Nacer Djabi n'a pas manqué d'évoquer d'autres aspects liés au rapport entre la revendication amazighe et les autres questions politiques, tout comme le cheminement de la revendication dans le contexte des chamboulements et évolutions sociopolitiques, autant au régional, qu'au national et supranational. "On ne parle jamais de mouvement amazigh unifié, mais la revendication est la même dans tous les pays d'Afrique du Nord, même s'il existe quelques différences dans l'approche", soutient-il. "Il y a une diversité des formes d'expression qui reflètent des diversités au niveau sociologique, culturel, démographique et géographique", observe-t-il. "D'où le récent débat né sur la graphie à adopter, une question complexe", dit-il. Pour sa part, l'enseignant Mohamed Nouh s'est penché sur "l'élargissement de la revendication au M'zab et chez les Touareg". "Le berbère s'est toujours posé dans le cadre d'un projet de société et de la forme de l'Etat", souligne-t-il. Selon lui, l'enjeu, désormais, est de savoir si "l'Etat sera en mesure de faire de l'amazighité un facteur d'unité ou s'il poussera à l'apparition des mouvements séparatistes". Plusieurs autres questions n'ont pas manqué d'être évoquées par l'assistance, notamment celles relatives à l'émergence de mouvements sécessionnistes, comme le MAK, ou encore le choix de la graphie et la nature de l'Etat. "La question est de savoir si le mouvement va désormais rester dans seulement la revendication culturelle ou aller à d'autres revendications politiques (...) On a vu comment le mouvement en 2001 a perdu son encadrement élitiste. Il y avait un autre encadrement avec ses spécificités", affirme Djabi. La naissance du MAK, pour Djabi, est liée au fait que, peut-être, pour une partie des animateurs, l'intégration dans l'espace national n'est pas appropriée. "Mais il y a beaucoup de problèmes à régler dans le futur", conclut le sociologue. Karim Kebir