Cardiologie, neurologie, orthopédie, pneumologie, maladies infectieuses..., tous les services étaient quasiment désertés, hier, par les médecins résidents. "Vous devez attendre votre tour comme tout le monde." Le Dr M. H., du service d'ophtalmologie du CHU Ibn-Badis, essaye de calmer une jeune femme, venue avec son bébé de 8 mois, en pleurs. Agitée, elle raconte : "On nous a dit qu'il a un problème aux yeux, nous sommes donc venus pour une consultation à l'hôpital ; mais nous attendons depuis plus de deux heures." Cette matinée-là, le service d'ophtalmologie, qui, rappelons-le, n'est opérationnel que depuis quelques mois, est bondé de monde. Une centaine de personnes, entre patients et parents de patients, occupent tout le corridor qui mène à une salle exiguë où ont lieu les consultations. L'équipe médicale très réduite, rompue à l'exercice depuis plusieurs jours, procède à un tri rapide en fonction de la gravité des cas. Examens médicaux, mise en place d'un traitement, contrôle médical, transfert ou retour à la maison... les décisions sont prises en fonction de l'état du patient. Il va sans dire que le service d'ophtalmologie n'est ni mieux ni moins loti que les autres. Il est tout simplement représentatif des difficultés que subit le personnel médical depuis plusieurs années, mais plus particulièrement depuis que les médecins résidents ont décidé de cesser toute activité de garde, soit depuis le 24 avril dernier, en réaction à la répression policière subie, la semaine dernière, par leurs camarades, à la place Emir-Abdelkader et devant l'APN, à Alger. "On m'a fait un arrêt de travail de 30 jours, pour coups et blessures volontaires ; alors que notre marche se voulait pacifique", nous raconte le Dr Yassine Chaïb Bacha, médecin résident et délégué régional du Camra-Constantine. Selon notre interlocuteur, à l'instar de ses collègues, environ 1 450 médecins, qui ont déserté les établissements hospitaliers, sont déterminés à aller jusqu'au bout, malgré l'instruction du ministère de la santé portant sur la réquisition des médecins résidents. L'engagement de ces derniers est resté intact. C'est ce que nous avons constaté, hier encore, au CHU Ibn-Badis. Cardiologie, neurologie, orthopédie, pneumologie et maladies infectieuses..., tous les services étaient quasiment désertés par les médecins résidents. Seuls les assistants, les maîtres assistants et les professeurs assuraient les gardes et les consultations. Mais c'est loin d'être le cas au service de gynécologie-obstétrique (maternité). "Nous avons toujours travaillé avec les résidents" Souhaitant garder l'anonymat, une infirmière décrit l'enfer qu'elle vit avec ses collègues, depuis que les médecins résidents ont décidé de suspendre les gardes. "Nous avons toujours travaillé avec les médecins résidents ; il n'y a pas d'assistants, le chef de service, quant à lui, on le voit très rarement", témoigne notre interlocutrice, visiblement fatiguée des plaintes, des coups de barre de 2h du matin ou encore de la violence de certains patients et de leurs parents. Un rythme de travail effréné qui pousse le personnel médical de la maternité "à travailler à la chaîne, comme dans des usines", regrette-t-elle. Et d'ajouter : "On nous pousse à maltraiter les patients." Pire, le service s'élevant sur trois étages fonctionne avec seulement deux assistantes, selon des sources au fait, ce qui a conduit les sages- femmes à assurer les consultations. "On ne prend en charge que les cas urgents, car deux autres assistants sont partis en congé de maladie avec l'accord du médecin-chef, à savoir le Dr Lahmar", ajoute-t-on. Ce dernier, que nous avons approché, hier matin, dans son bureau, a tout bonnement refusé de répondre à nos questions, tout en mettant en doute la crédibilité de notre journal qui, pour rappel, a été le premier à dénoncer la situation catastrophique de la maternité de l'hôpital en 2015. Lynda NACER