Loin des salons d'honneur et de leur solennité factice, un hommage a été rendu au défunt Hamid Ali Bouacida, le journaliste-écrivain et non moins poète, parti récemment dans la plus grande discrétion, à la suite d'une longue maladie. À l'initiative d'un groupe de journalistes de Constantine, la cérémonie — qui s'est déroulée dans les locaux de notre confrère El Watan faute de cadre fédérateur des gens des médias dans une ville qui a pourtant enfanté des "ogres" de la plume — aura été une occasion de dépoussiérer quelques pans de mémoire attestant des talents multiples de Hamid Ali Bouacida. Journalistes, universitaires et figures de la Ville des Ponts ont témoigné, avec une grande émotion, les pérégrinations de ce ciseleur de mots et de phrases qu'il a été. Ses calembours surtout, lui, cet homme de lettres, fils de facteur ! Son jardin, la satire, n'a guère dévoyé ses aptitudes de nouvelliste hors pair. Le journalisme, pour lui, a servi de prétexte à de mémorables écrits, témoigne l'un des doyens de la presse algérienne, Boubakeur Hamidechi. Hamid Bouacida qui a entamé sa carrière au journal sportif El Hadef en 1986 après des études supérieures en sciences économiques, devient, dès 1990, membre fondateur du premier hebdomadaire indépendant Les Nouvelles de l'Est en l'occurrence. Il est rattrapé par ses errements solitaires qui, deux années plus tard, le conduisent à son enclos. Il créera un hebdomadaire satirique cette fois-ci, El Gantra où il étalera dans toute sa plénitude, son talent de pamphlétaire maniant à sa guise le ver et la prose avec un brin de "Brelgitude" dont lui seul connaissait le secret. Il dirigera par la suite la rédaction du quotidien régional El Acil avant de s'installer à Annaba où il travaillera à la wilaya puis à son propre compte dans le domaine de la communication. Son recueil de nouvelles Cinq dans les yeux de Satan, lui vaudra, en 2006, une distinction amplement méritée. "Un ouvrage remarquable en ce sens qu'il raconte des histoires à mi-chemin de la nouvelle proprement dite et du conte fantastique. Le style est alerte et les thèmes profondément ancrés dans le vécu des Algériens. Pour un essai, c'est certainement un coup de maître qui explique et justifie le choix du jury Mohammed-Dib d'accorder sa plus haute distinction au livre de Hamid Ali Bouacida...", disait, de lui, en préface, Zoubir Souissi. Quelques années plus tard, il revient à la charge avec un roman cette fois-ci, intitulé La dernière carte paru aux éditions L'Harmatan en 2013. Un roman qui témoigne d'un pays ensanglanté par le terrorisme durant les années 90 où un jeune enseignant de français à l'université tente de conjurer le sort qui s'acharne sur lui. Parallèlement, Hamid Ali Bouacida continuera à manier le verbe dans plusieurs quotidiens et revues qu'il enrichira de lumineuses chroniques et de pertinents éditoriaux avant que la maladie freine son élan. Le 22 avril dernier, Hamid Ali Bouacida est ravi à l'affection des siens et à une corporation qu'il aura marquée de son talent. Kamel Ghimouze