La dernière session du conseil des droits de l'homme des Nations Unies a ravivé des espoirs quant à l'abolition de la peine de mort en Algérie. Il a, en effet, été rapporté que l'Algérie s'est engagée à préparer progressivement l'abolition officielle de la peine capitale. Elle adhérera ainsi au deuxième protocole facultatif du pacte international relatif aux droits civils et politiques qu'elle a ratifié en 1989. Il est important de préciser que, depuis 1993, le gouvernement applique un moratoire sur cette loi. Ainsi donc, depuis plus de 10 ans, toutes les condamnations à mort ont commué à des condamnations à perpétuité. Cela place l'Algérie sur la liste d'Amnesty International des pays abolitionnistes en pratique. Cette situation fait naturellement ressurgir des questionnements quant aux raisons qui empêcheraient une parfaite corrélation entre le droit et la pratique. Pour reprendre l'argumentaire du gouvernement, ces raisons se résument en trois points principaux: -Conditions sécuritaires ayant trait à la lutte anti-terroriste. -Considérations religieuses. -Sensibilité de l'opinion publique. Cet article s'efforcera donc de traiter la question de peine de mort dans le contexte local Algérien tel qu'il a été introduit. Il s'inscrira comme tentative de populariser ce débat, de l'arracher de la sphère intellectuelle politique et religieuse et de l'adresser à la société civile dans son ensemble. Nous considérons, en effet, que cette sanction absolue étant infligée au nom de toute la nation est l'affaire de tout un chacun, et par conséquent, chaque citoyen se doit d'en être parfaitement conscient. La justification première, exposée par l'état, est que la peine de mort est un mal nécessaire. Nécessaire, durant la décennie noire, pour la lutte contre le terrorisme islamiste. Nécessaire, par la suite pour la poursuite de cette même lutte. Nécessaire, aujourd'hui, pour le combat contre le crime organisé et le maintien de la paix générale. Seulement, cette conviction du pouvoir dissuasif et neutralisant de la peine de mot ne connait aucune base. Des études menées par différents experts de criminologie et organismes tels que le comité de prévention du crime de l'ONU, les résultats statistiques convergent vers le même constat. Constante conclusion : aucune corrélation n'a été établie entre le taux de criminalité l'application de la peine de mort à défaut d'autres sanctions pénales telles que l'emprisonnement. Il est, en effet, simple pour qui veut comprendre, de se l'expliquer par une juste interrogation sur l'essence humaine et la nature de ces deux crimes. Le premier trouve dans la mort l'accomplissement d'une mission divine et un acte héroïque élevant son exécuteur au rang de martyr. Le second, commis par des criminels de plein sang froid, est loin d'être mal calculé, les précautions sont prises d'avance pour éviter toute situation de confrontation à la peine maximale. Quant à la question de la nature humaine, Robert Badinter nous illumine de son analyse : « Et si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous n'auriez ni grands soldats, ni grands sportifs. Nous les admirons, mais ils n'hésitent pas devant la mort. D'autres, emportés par d'autres passions, n'hésitent pas non plus. C'est seulement pour la peine de mort qu'on invente l'idée que la peur de la mort retient l'homme de ses passions extrêmes. Ce n'est pas exact. » La thèse de dissuasion écartée, reste l'approche religieuse faisant consensus entre nos institutions et notre peuple. Elle présente la peine de mort comme juste châtiment et son abolition comme atteinte aux commandements sacrés. Une éclaircie se doit d'être apportée à ce sujet. Il est à remarquer que la peine de mort telle qu'appliquée un peu partout dans le monde, n'est guerre conforme au code pénal islamique. Celle-ci, n'étant prévue qu'en tant que talion « Qissas », ou peine maximale de certains Hudud (littéralement limites de Dieu). Ces Hudud regroupe l'apostasie, le banditisme, et parfois l'adultère. Souci d'exactitude oblige de préciser que la Sunna définit les peines des Hudud non édictées par le Coran, et que ces dernières deviennent, de par ce fait, tributaires des différents courants des écoles du droit musulman. La Charia sanctionne toutefois sévèrement tout faux témoignage « Qadhf » et applique le critère de doute « Shubha » sur chaque jugement : "Les peines et le talion sont caduques dès qu'un doute est présent". Le Qissas, clairement cité dans le texte coranique, est quant à lui loin d'être systématiquement applicable ni d'être la seule sanction prévue pour le crime d'homicide volontaire. Ce talion, visant à apporter réconfort auprès des proches de la victime et à éviter toute forme de justice personnelle, est néanmoins soumis à de rigoureuses conditions. L'expression du souhait d'exécution par les proches de la victime et l'assurance de la totale culpabilité de l'accusé par les autorités sont deux clauses sine qua none à sa réalisation. Ainsi donc, on conclue que le recours à la peine de mort n'a rien d'inéluctable dans le code pénal musulman. Bien au contraire, l'esprit de l'islam recommande, clairement, le pardon ou le recours au dédommagement, le Compagnon Anas rapporte : "Chaque fois qu'un cas où le talion était applicable était présenté au Prophète, il recommandait (aux proches de choisir) le pardon" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 4497). Concernant la dernière justification sur la liste du gouvernement, à savoir que les sensibilités populaires ne sont à cet égard prêtes, des questions méritent d'être posées : connaissons-nous vraiment cette opinion publique ? Le nécessaire a-t-il été réalisé pour l'éclairer ? Mesure-t-elle vraiment l'importance qu'elle revêt au sein du pouvoir décisionnel ? La nature du tempérament du peuple algérien n'est plus à prouver son humanité ! Ce dernier n'a pas été favorable à cette peine même lors de la décennie noire, alors que de très graves violations des droits de l'homme ont été commises. Il est vrai que les séries d'enlèvements et de mutilations mortifères d'enfants ont suscité de vives réactions au sein du peuple algérien demandant la réinstauration de la peine de mort. Cela est tout à fait compréhensible, mais cela est aussi largement basé sur des sentiments. Et par sentiments, nous entendons ce qu'un être humain peut ressentir de pire, à savoir le désir de vengeance et la peur. Le recours à la raison, nous a bien enseigné qu'aucun système judiciaire n'est à l'abri de l'erreur et de la discrimination. Citons, à-propos, Robert Badinter dans son discours ‘‘demain, vous voterez l'abolition de la peine de mort'' : « Cette justice d'élimination, cette justice d'angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu'elle est pour nous l'anti-justice, parce qu'elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l'humanité.» Peine d'élimination ou peine d'expiation, la peine de mort ne peut contribuer ni au rétablissement ni au maintien de la paix générale. Un appel à un débat de conscience collective au sein de notre société doit donc être relancé. Homme de foi et Hommes de loi, Homme de Dieu et Homme de liberté, à quand la paix des cœurs ? Thiziri MELLAH Partenariat Réd-DIG-"Liberté"/AIESEC