Une décision quasiment impopulaire mais très courageuse. «Soyez le premier à abolir la peine de mort». C'est l'appel lancé, par maî-tre Miloud Brahimi qui milite ardemment, pour l'abolition de la peine de mort, au président de la République M.Abdelaziz Bouteflika. En 2003, le chef de l'Etat s'était prononcé en faveur de l'abolition de la peine capitale à partir de Bruxelles. Le débat lancé hier soir, à ce sujet sur les ondes de la Chaîne III et qui a duré 45 minutes environ, s'est avéré passionnant mais toutefois trop court pour un sujet aussi délicat. Animé par maîtres Brahimi et Ksentini, abolitionnistes sans réserve d'une part, et M.Abdelkrim Dahmane, député de la mouvance islamiste, d'autre part partisan de l'application exemplaire de la peine capitale et d'un débat qui se veut philosophique autour de la question. Le débat autour de la suppression de la peine de mort est propre à toute société qui aspire au progrès. Il s'est souvent posé sous l'angle d'une problématique qui consiste à savoir, si elle constitue une régression ou une progression du droit, le droit d'ôter la vie à un humain fut-il criminel. La peine de mort s'apparente à la vengeance et fait souvent référence à la loi du Talion. «il pour oeil et dent pour dent» qui a pour unique effet de provoquer des crimes en série et une aversion entre familles entretenue de génération en génération. L'abolition de la peine de mort est le résultat d'un long processus de mûrissement d'une société et les partisans d'un débat philosophique autour de cette question existent. Qu'en est-il en Algérie. Ces conditions sont-elles réunies? La question portée au sein de l'Assemblée nationale a connu un échec cinglant. Selon le député Abdelkrim Dahmane, seuls les députés du Parti des travailleurs et quelques indépendants y étaient favorables. Les massacres de la décennie rouge et l'exemple du carnage de l'aéroport Houari-Boumediene, sont encore trop proches de nous. Ces scènes d'horreur sont difficiles à évacuer d'une mémoire meurtrie. Décapitation, rapt et viols de femmes...que l'imaginaire a du mal à prendre en charge. Plus récemment, les rapts et viols d'enfants semblent constituer des résistances et un argument de choc pour s'opposer à la peine de mort, comme l'a souligné une auditrice. «Comment réagiriez-vous si un de vos enfants subissait un tel sort?» apostrophant maîtres Brahimi et Ksentini: «Il s'agit d'instaurer une justice publique et non des justices individuelles», ont répliqué à l'unisson les deux défenseurs. C'est la société qui avance contre la société qui recule. Mais le débat est loin d'être aussi manichéen et tranché. L'abolition de la peine de mort n'est pas exclusivement l'apanage des démocrates et des humanistes. J.J.Rousseau s'y était opposé du temps de la philosophie des lumières. Elle est parfois l'émanation d'un seul homme qui va à contre-courant de la volonté populaire. François Mitterrand, sous la houlette de son brillant garde des Sceaux, Robert Badinter a mené l'opération jusqu'au bout. Et cette décision impopulaire, la majorité des Français y étaient opposés, ne l'a pas empêché d'être élu à la tête de l'Etat français. Qui se souvient de l'affaire Ramacci? Le pull-over rouge, oeuvre superbe de Gilles Perrault, qui a magistralement démontré l'innocence d'un jeune garçon d'une vingtaine d'années, guillotiné très probablement à tort. La justice n'est malheureusement pas infaillible. Les arguments des abolitionnistes se taisent sur ces erreurs judiciaires, le maintien de la peine capitale qui ne réduit pas le crime mais aussi sur un geste ancestralement enfoui dans l'inconscient, un geste barbare qui n'honore pas les sociétés modernes qui se respectent.