Le porte-parole du MAE, Abdelaziz Benali Cherif, a affirmé, hier, que "le tweet de M. O'Rourke n'engage que sa personne", alors qu'il s'agit d'un compte officiel de l'ambassadeur de l'UE à Alger. L'affaire de la vidéo anti-Bouteflika, réalisée par une ancienne journaliste algérienne, Leyla Haddad, au siège de l'Union européenne (UE) à Bruxelles, a pris de nouvelles proportions, au lendemain de la déclaration de l'ambassadeur de l'UE en Algérie, John O'Rourke, sur son compte officiel Twitter, suite à sa convocation par le ministère des Affaires étrangères (MAE) à Alger. Le diplomate européen a souligné, dans un tweet, posté au sortir du MAE, avoir expliqué aux autorités algériennes que ladite vidéo n'engage en rien l'Union européenne. Usant du "nous", qui l'engage et engage l'institution qu'il représente en Algérie, et donc la Commission européenne, il a écrit dimanche : "Nous avons souligné aux autorités algériennes que les journalistes accrédités auprès des institutions européennes ne parlent pas au nom des institutions, mais en leur propre nom, en ligne avec les principes de liberté d'expression et liberté des médias." Ce tweet a provoqué la colère d'Alger qui a réagi à la mi-journée d'hier, via le porte-parole du MAE, Abdelaziz Benali Cherif, qui a affirmé que "le tweet de M. O'Rourke n'engage que sa personne", alors qu'il s'agit d'un compte officiel de l'ambassadeur de l'UE à Alger. Ce que les autorités algériennes rejettent comme canal de communication, estimant qu'"à démarche officielle, l'on est en droit de s'attendre à une réponse officielle conformément aux usages et à la pratique diplomatique consacrés". Une source du ministère des Affaires étrangères, qui a préféré garder l'anonymat, affirme attendre une réponse claire sur l'objet de la convocation du représentant diplomatique de l'UE. C'est ce qu'explique le porte-parole du MAE dans son communiqué, concernant le tweet de M. O'Rourke, qui semblerait avoir fait plus mal à Alger que la vidéo de la journaliste qui, pour rappel, n'en est pas à sa première sortie contre le président de la République Abdelaziz Bouteflika et son entourage. "De surcroît, ce tweet, au demeurant aux antipodes des attentes de la partie algérienne, ne répond pas à l'objet de sa convocation, laquelle a consisté exclusivement à demander des clarifications au sujet du détournement par Mme Lefèvre (Leyla Haddad, ndlr) des armoiries de l'Union européenne et des moyens mis par celle-ci à la disposition des médias pour s'en prendre à l'Algérie, à ses symboles et à ses institutions, alors que ces moyens sont censés servir exclusivement à la couverture des activités des institutions européennes", a affirmé Benali Cherif dans son communiqué. Ce dernier avait insisté sur le fait que le motif de la protestation algérienne n'est pas lié au contenu de la vidéo, mais à l'endroit où elle a été réalisée, d'où la convocation de M. O'Rourke. "L'ambassadeur de l'Union européenne à Alger a été convoqué au ministère des Affaires étrangères, où il lui a été signifié l'indignation et la réprobation des autorités algériennes suite à l'utilisation des espaces et des moyens de l'Union européenne à des fins de propagande et l'instrumentalisation de ses symboles pour attenter aux institutions de l'Etat algérien", a expliqué le communiqué du porte-parole du MAE. Pour rappel, le secrétaire général du MAE, Noureddine Ayadi, avait convoqué M. O'Rourke pour protester contre la "diffusion à Bruxelles d'une vidéo attentatoire aux symboles de l'Etat algérien", avait expliqué le MAE dans un communiqué transmis aux médias. Le SG du MAE a exprimé expressément "le vœu que l'Union européenne se démarque publiquement de cette manœuvre et demandé que des actions concrètes soient prises contre les agissements irresponsables de la contrevenante". Parallèlement, l'ambassadeur d'Algérie à Bruxelles, Amar Belani, avait publié un communiqué dénonçant le contenu de cette vidéo et le fait qu'elle ait été réalisée au sein du siège de l'Union européenne. Pour Alger, la journaliste en question a procédé à un détournement abusif des installations officielles de l'UE, en réalisant sa vidéo dans l'enceinte de l'institution "pour porter gravement atteinte à l'honneur et à la dignité des institutions de la République algérienne". L'antécédent de la photo du journal "Le Monde" Mais ce n'est pas la première fois que l'Algérie proteste officiellement auprès d'une autorité étrangère sur des contenus médiatiques visant directement le Président et son entourage. L'on se rappelle de l'affaire mondiale des paradis fiscaux, communément appelé Panama Papers, dans laquelle avait été cité nommément le sulfureux ex-ministre de l'Industrie, Abdeslam Bouchouareb. À l'époque (avril 2016), Alger avait convoqué l'ancien ambassadeur de France enAlgérie, Bernard Emié, pour protester contre la publication de la photo d'Abdelaziz Bouteflika à la une du quotidien français Le Monde, aux côtés de plusieurs autres chefs d'Etat, dont les noms étaient, eux, cités dans Panama Papers. Si Alger avait le droit de protester contre le quotidien français, puisque le nom du Président ne figurait pas dans l'enquête sur les paradis fiscaux, elle a commis l'impair de le faire auprès des autorités françaises pour lui demander de réagir contre la presse hexagonale. Le MAE avait demandé, sous prétexte de "nécessité morale et politique", que "des autorités françaises qualifiées marquent clairement leur réprobation" de ce que l'ancien chef de la diplomatie Ramtane Lamamra avait qualifié, dans un communiqué, de "campagne malveillante et fallacieuse (...) contre l'institution présidentielle". Paris n'avait pas donné de suite officielle à cette demande algérienne qui, comme elle avait été formulée, s'apparentait plutôt à une demande de museler la presse hexagonale. Outre le dépôt de plainte pour diffamation contre le journal français, Alger a pris comme mesure de rétorsion le refus d'octroyer des visas aux journalistes du Monde, à d'autres confrères à la plume et au ton critiques contre le régime algérien, incarné depuis deux décennies par le président Abdelaziz Bouteflika et une nouvelle oligarchie. Ainsi, cette affaire avait valu un refus d'octroi de visas aux journalistes du quotidien français, ainsi qu'à d'autres confrères français au ton acerbe contre Bouteflika, malgré l'intervention de l'Elysée auprès du gouvernement d'Abdelmalek Sellal, à la veille de la visite en Algérie de l'ancien Premier ministre Manuel Valls. Lyès Menacer