Les six personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire ont, finalement, toutes été relâchées par le juge d'instruction. Quatre sont désormais citées comme témoins et deux autres placées sous contrôle judiciaire. "On lui a donné une dimension qu'elle ne mérite pas." C'est ainsi qu'a qualifié l'avocat, Me Noureddine Benissad, le tapage médiatique autour de l'affaire des journalistes et autres employés du site Algérie-direct présentés hier devant le procureur au tribunal de Sidi-M'hamed. Alors qu'on redoutait le pire, le journaliste, Saïd Boudour et le lanceur d'alerte, Noureddine Tounsi, un ancien employé du port d'Oran, arrêtés vendredi dernier dans la métropole de l'Ouest dans le cadre de publications liées à l'affaire de la "cocaïne" ont été finalement relâchés hier après leur audition par le juge d'instruction. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ils ont été entendus en tant que témoins. Tout comme Abdelaziz Laâjal, responsable technique du site, et Abderrahmane Mohamed également relâchés. En revanche, l'ancien responsable du site, Adnane Mellah, qui aurait des liens de parenté avec l'ancien secrétaire d'Etat à la Jeunesse et Khellaf Benhadda, ils ont été placés sous contrôle judiciaire. En tout, ils étaient six à avoir été présentés devant le procureur avant d'être entendus dans l'après-midi par le juge d'instruction, puis relâchés. Selon, Me Benissad, membre du collectif des avocats, les mis en cause étaient poursuivis pour les chefs d'inculpation "d'outrage à fonctionnaires dans l'exercice de leur fonction" et "offense à l'image du Président" en vertu des articles 144, 144 bis et 146 du code pénal. Ces poursuites seraient liées à des écrits où est évoquée la disparition mystérieuse de 44 kg de cocaïne dans l'affaire éponyme révélée il y a quelques jours par les médias et qui continue de faire jaser dans les chaumières. En cause également, la publication d'un photomontage dans lequel figurait le président de la République. Reste qu'en dépit de cette issue, qu'on peut qualifier d'heureuse, des zones d'ombre entourent cependant cette affaire. Sinon comment expliquer cette manière, pour le moins "rocambolesque" avec laquelle Saïd Boudour et Noureddine Tounsi ont été arrêtés vendredi dernier à Oran, si l'on se fie aux comptes rendus de presse, pour que, finalement, ils bénéficient du statut de témoins ? Selon la Laddh d'Oran, c'est vers 19h25, vendredi, que Saïd Boudour, journaliste et militant de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme, a été appréhendé par une demi-douzaine d'éléments en civil et embarqué dans une voiture banalisée de type Ford grise immatriculée à Alger alors qu'il sortait du bureau de la Ligue pour se rendre chez lui. Déjà, la veille des éléments en civil s'étaient présentés chez ses parents, Saïd Boudour étant au centre-ville, pour les informer qu'il devait se rendre le lendemain au commissariat central pour "affaire le concernant", mais sans laisser pour autant une convocation écrite, selon la Laddh. "Le lendemain vendredi, les mêmes éléments se présentent une nouvelle fois au domicile des parents cette fois-ci munis d'une convocation. Cependant, ce qui est étrange c'est le timing de cette convocation : jeudi soir et vendredi. La police pouvait attendre dimanche pour convoquer tout citoyen", s'interroge la Laddh. "De plus, en tenue civile et avec des voitures banalisées, comment savoir si c'est la police ou le DRS ou une bande de mafia organisée", s'est demandée encore l'ONG. La Laddh n'a pas manqué, enfin, d'exprimer son inquiétude sur ce qu'elle qualifie "d'enlèvement" d'autant, soutenait-elle, qu'elle survenait après "l'affaire de la saisie de cocaïne au port d'Oran car Saïd Boudour a été le premier journaliste à avoir écrit sur le sujet dans AlgériePart et JCA (Journaliste citoyen d'Algérie) en arabe". Pour certains avocats, ces arrestations sont "illégales" même si peut-être "il s'agissait de les protéger". D'autant que la sulfureuse affaire de la cocaïne n'a pas encore livré tous ses secrets. Les éditeurs de la presse électronique ont d'ailleurs dénoncé ces "arrestations". "Les membres du collectif du Saepe (en cours de constitution) dénoncent cette arrestation brutale et illégale et exigent la mise en liberté immédiate de Saïd Boudour. Rien ne justifie un tel recours aux pratiques d'un autre âge avec les professionnels de la presse", ont-ils écrit dans un communiqué rendu public. Il y a comme une espèce d'étrangeté entre la célérité et la manière avec lesquelles ils ont été arrêtés pour que finalement rien ne soit retenu contre eux... Mystère. Karim K.