Ils sont venus des quatre coins de la Kabylie, mais aussi de l'Algérois, de l'Oranie, du Constantinois et même du sud du pays. Il serait sans doute difficile, voire impossible, à quiconque n'ayant pas connu le lien entre Lounès Matoub et les siens, de croire que pour honorer la mémoire de cet homme — mort depuis 20 ans — une foule aussi imposante a pris d'assaut, hier, Taourirt Moussa. En effet, les rues et les placettes de ce village se sont avérées, encore une fois, trop exiguës pour contenir tout ce monde qui a commencé à y affluer dès les premières heures du jour, et la commémoration qu'il devait abriter, en cette date marquant le 20e anniversaire du lâche assassinat de son enfant adulé, a pris finalement l'allure d'un véritable pèlerinage sur la tombe d'un guide spirituel. Il n'était pas encore 10h et déjà, sur la route menant vers Taourirt Moussa, le flux humain est dense et ininterrompu. L'accès aux automobilistes étant fermé par les organisateurs, les arrivants doivent parcourir environ 4 kilomètres à pied avant d'atteindre la demeure des Matoub, devenue, depuis quelques années, le siège de la fondation portant son nom. Les festivités prévues au village ne devaient débuter qu'à 13h, pourtant il est déjà difficile de se frayer un chemin vers la demeure sur le mur de laquelle un portrait de Lounès sur lequel on pouvait lire "Imid lulegh Daqvayli isem iw imenghi", (puisque je suis né Kabyle, mon nom est combat), était accroché. La même difficulté se dresse devant ceux qui veulent accéder à la terrasse clôturée qui abrite la tombe de cet éveilleur des consciences que tout le monde, en Kabylie et ailleurs, continue d'aduler. Ils sont venus des quatre coins de la Kabylie, mais aussi de l'Algérois, de l'Oranie, du Constantinois et même du sud du pays, comme le prouvent les plaques d'immatriculation de leurs véhicules. Un dispositif d'ordre est mis en place, mais malgré son importance il ne tarde pas à être quelque peu dépassé face à toutes ces personnes qui tiennent, coûte que coûte, à immortaliser leur présence par une photo devant la tombe de celui qui a toujours "chanté tout haut ce que tout le monde pensait tout bas". D'autres, tout aussi nombreux, se bousculent pour tenter de prendre une photo du véhicule Mercedes, sur lequel de nombreux impacts de balles sont visibles et qui est exposé derrière la grille du garage de la maison. Il est 11 heures. Des chansons de Matoub continuent à être diffusées et la foule qui ne cesse de grossir, assiste à l'arrivée des marathoniens qui ont pris le départ depuis le lieu de l'assassinat de Lounès, puis, plus étonnée, à celle de la première personnalité connue et estimée : Lounis Aït Menguellet portant une gerbe de fleurs. Un peu plus d'une heure après, une délégation de la JSK, à sa tête son président, Cherif Mellal, arrive sur les lieux. Une gerbe de fleurs et un maillot de la JSK portant un portrait du chanteur sont déposés sur la tombe sous les cris de "Mazalagh dimazighen". À l'extérieur, des militants du MAK scandaient à tue-tête : "Pouvoir assassin." Sur la terrasse, les délégations se succèdent pour se recueillir. Parmi elles, celles de l'APW de Tizi Ouzou, de la direction nationale du FFS conduite par Ali Laskri, de la direction de la culture, des artistes, de l'APC de Tizi Ouzou, du Congrès mondial amazigh... Les délégations quittent les unes après les autres le lieu. Quant aux préparatifs pour le gala artistique qui doit débuter à 15h et le zénith de Kabylie à 20h, ils se poursuivaient. "Nous attendons encore plus de monde ce soir", nous dit un membre de la Fondation. Samir LESLOUS