L'Institut du monde arabe de Paris (IMA) organise à partir d'aujourd'hui, et ce, jusqu'au 8 juillet, le festival des cinémas arabes. Cet évènement qui fait son come-back après la biennale des cinémas arabes de Paris (1992, 2006) proposera pas moins de 80 films entre courts et longs métrages et documentaires. À cette occasion, Layane Chawaf, responsable de ce festival, revient dans cet entretien sur les grandes lignes de cette manifestation, sur l'importance du 7e art dans l'éveil des consciences ainsi que sur la sélection algérienne. Liberté : Le festival des cinémas arabes revient après 12 ans. Pourquoi cet arrêt ? Et comment vous avez remis en place cette manifestation ? Layane Chawaf : La biennale des cinémas arabes (1992, 2006), organisée par l'Institut du monde arabe de Paris, était sous la houlette de l'ancienne déléguée générale Magda Wassef. En 2006, l'IMA connaissait de graves problèmes financiers et beaucoup d'activités se sont arrêtées, dont la biennale. À cet effet, l'activité cinématographique s'est complètement arrêtée de 2008 à 2013. Avec l'arrivée de Jack Lang, président actuel de l'institut, il a souhaité remettre les activités cinéma à l'ordre du jour, et j'étais la seule qui est restée de l'ancien département cinéma de l'IMA. Alors j'ai été installée comme responsable sur l'activité cinéma en 2013. L'IMA a commencé par créer des évènements cinématographiques à l'année, et ce, toutes les semaines, soit à travers des projections, des avant-premières ou des expositions. Dès le départ, je voulais relancer un festival, car les réels efforts étaient faits lors de la biennale, et nous avons mis du temps pour asseoir l'activité, pour qu'elle soit inscrite dans le paysage parisien. Et durant deux ans, nous avons commencé à travailler sur ce projet, en changeant un peu l'orientation du festival ; d'ailleurs, avant, c'était une biennale et maintenant c'est devenu annuel. Êtes-vous dans la démarche de la continuité par rapport aux précédentes éditions ? Ce n'est pas vraiment de la continuité mais une proximité. Il y a quand même du nouveau, notamment par la périodicité et par la remise de trophées. Nous avons voulu relancer l'évènement en gardant l'esprit du festival, à savoir la compétition. À Paris, il y a beaucoup de festivals de films arabes consacrés au Maghreb, à la Palestine, au Moyen-Orient... Il y a plusieurs festivals du genre mais ils ne sont pas inscrits dans la compétition. Nous avons souhaité garder ce caractère-là, et ce, pour que les réalisateurs puissent se sentir soutenus même symboliquement. Ce ne sont pas des prix d'une grande valeur mais c'est un soutien pour le réalisateur et son film. Quelles sont les grandes tendances de ce festival ? C'est une compétition dans les catégories fiction, courts et longs métrages. Cette année, il y a un regard sur le cinéma saoudien et des journées professionnelles. La nouveauté par rapport à l'ancienne biennale est la tenue des ateliers d'écriture de scénario et de court métrage ; un atelier destiné aux autodidactes qui souhaiteraient découvrir comment se fait un film depuis l'écriture jusqu'à l'accomplissement final (réalisation). Nous aurons aussi une rencontre qui portera sur les "résidences et ateliers d'écriture en Europe et dans le monde", et une deuxième sera inscrite à l'occasion du 70e anniversaire de la Nakba, qui tournera autour de "l'industrie cinématographique palestinienne (de 1948 à 2018)".
À travers cet évènement, quel cinéma arabe voulez-vous mettre en relief ? Surtout la qualité ! Nous sommes ouverts à tous les cinémas arabes, nous n'avons exclu aucun pays. Nous avons des courts métrages qataris, soudanais, un long métrage documentaire jordanien... Il y aura aussi des films des pays qui produisent énormément comme la Tunisie, le Maroc, l'Egypte, la Syrie... Nous voulions que ce soit représentatif de tous les cinémas des pays arabes. L'actualité du monde arabe (guerres, conflits, immigration...) a-t-elle influencé votre sélection ? Nous avons essayé de ne pas nous laisser influencer par la situation. Nous avons choisi des films dont la thématique était importante. Il y a des films de tous genres, à l'instar des thématiques qui traitent des problèmes sociaux dans les pays arabes, des problèmes religieux et politiques. Il y a des productions qui parlent des réfugiés, des clandestins, des kamikazes, de la musique et de la religion... Et nous avons retenu aussi des comédies qui évoquent la situation sociale, car une comédie n'est jamais neutre. Selon vous, la visibilité du cinéma arabe peut-elle éveiller les consciences et changer les mentalités ? Je pense que oui, et c'est notre mission. Dans la période actuelle, nous connaissons tellement de troubles où l'extrémisme prend le pas sur la liberté, et le cinéma reste le plus sûr et le plus populaire pour contrecarrer cet extrémisme. Je pense que le cinéma peut jouer un rôle très important dans l'éveil des consciences de la jeunesse, qui se laisse entraîner parfois dans des choses qui la dépassent. Concernant les films algériens, la sélection est davantage portée sur les documentaires, notamment Vote off. Quant à la fiction, nous retrouvons seulement le premier long métrage de Yasmine Chouikh. Pourquoi ce choix ? Nous avons reçu beaucoup de films de fiction algériens. Nous avons un comité de sélection composé de trois professionnels, et le film qui a été retenu unanimement, c'est Jusqu'à la fin des temps, de Yasmine Chouikh. Il y a également quatre courts métrages de fiction réalisés en coproduction française, et pour les longs métrages documentaires, nous avons retenu Des moutons et des hommes, de Karim Sayad et Vote off de Fayçal Hammoum. Il y aura un hommage à Mahmoud Zemmouri. En quoi consistera-t-il ? Effectivement, une soirée sera consacrée à Mahmoud Zemmouri à travers la projection de son film De Hollywood à Tamanrasset. Il y aura aussi des interventions de plusieurs personnes pour parler de lui (son cinéma et son parcours). Et j'espère qu'il y aura du monde à cette rencontre. Entretien réalisé par : Hana Menasria