S'il n'était pas édifié sur son sort, le désormais ex-DGSN n'aurait pas tenu des propos aussi provocateurs. Le limogeage du DGSN, le général major Abdelghani Hamel, est, a priori, en relation avec ses derniers propos sur les affaires de corruption, révélées dans le sillage de la découverte de plus de 701 kilogrammes de cocaïne dans une cargaison appartenant à l'importateur et promoteur immobilier Kamel Chikhi. Une sorte de sanction contre l'auteur de révélations surprenantes qui ont troublé les esprits. L'annonce de la décision du président de la République, quelques heures à peine après la diffusion des déclarations du haut cadre de l'Etat, plaide, certes, pour cette thèse. Pourtant il est opportun de présumer aussi que le désormais ex-patron de la Police nationale a parlé, de manière aussi percutante, parce qu'il savait que son sort était déjà scellé. Depuis sa nomination à cette fonction sensible et stratégique, en juillet 2010, Abdelghani Hamel n'a jamais transgressé son obligation de réserve. Contrairement à son prédécesseur Ali Tounsi, l'homme a, tout au long de ces huit ans aux commandes de l'institution, gardé ses distances avec les représentants de la presse nationale. Adoptant l'attitude stricte et calculée d'un militaire (carrière de 37 ans dans l'ANP, dans le corps de la Gendarmerie nationale, avant d'être nommé chef de la Garde républicaine en 2008), il mesurait parfaitement ses paroles, ne sortait guère du contexte de l'événement. En clair, il se servait de la langue de bois pour se mettre hors de portée de la critique ou d'une interprétation tendancieuse de ses propos. Il est, dès lors, naïf de supposer qu'Abdelghani Hamel a évoqué fortuitement des dépassements dans l'enquête préliminaire sur l'affaire de la saisie d'une quantité importante de drogue dure au port d'Oran et de ses multiples ramifications. Il est aussi inconcevable de conférer de la spontanéité à son message ciblé : "Celui qui lutte contre la corruption doit être propre." L'ex-DGSN a parlé, aussi librement, sur un ton provocateur car il était, certainement, déjà édifié sur l'éminence de sa destitution. Autrement, il aurait éludé les questions gênantes, muré dans le silence, qui vaut, assurément, dans ces cas-là, de l'or. Il est admis que la disgrâce de M. Hamel est devenue perceptible le jour où son nom a été cité dans l'affaire de la cocaïne par le truchement de la présumée culpabilité de son chauffeur personnel. Il a tenté de se dédouaner par un communiqué de la Sûreté nationale attestant qu'il ne s'agit que d'un "chauffeur des services du parc automobile de la direction et non pas le chauffeur personnel du directeur général de la Sûreté nationale". Ce n'était visiblement pas suffisant pour lui épargner l'opprobre. Faut-il s'attendre à l'implication du général-major dans les enquêtes en cours sur la corruption, directement ou par le biais d'autres personnes de son entourage proche ? On en parle déjà dans les parvis des tribunaux. Son limogeage n'aura de sens pour l'opinion publique que s'il est expliqué – voire justifié – par le pouvoir exécutif ou le pouvoir judiciaire. Le cas échéant, les spéculations et l'intox prendront fatalement une dimension disproportionnée. Souhila H.