Le directeur de l'agence Cnas de Constantine, Abdallah Jouini, a attiré l'attention sur la pérennité du système de la carte Chifa, plus que jamais menacée par les abus et autres mauvais usages. La journée de sensibilisation initiée par la direction générale de la Cnas en vue d'informer les assurés, les pharmaciens et les prescripteurs sur l'utilisation de la carte Chifa, marquée de plus en plus par des abus manifestes, comme l'attestent les spécimens de dossiers exhibés par le premier responsable de la Cnas dans la wilaya de Constantine, a fait ressortir un volet non moins important, devenu presqu'une hantise pour la Sécurité sociale. Celui inhérent à l'usage de la carte Chifa pour, notamment, se procurer des psychotropes auprès des officines pharmaceutiques. Il s'agit, notamment, de la prégabaline, plus connue sous son appellation générique Lyrica, qui est un médicament antiépileptique utilisé essentiellement dans le traitement des douleurs neuropathiques et très répandu dans les milieux de jeunes qui s'adonnent aux psychotropes. Un dossier qui devrait être traité avec minutie en impliquant d'autres acteurs dont les services de sécurité qui luttent inlassablement contre le fléau du trafic de psychotropes. Il y a aussi urgence à sensibiliser les médecins contre les prescriptions abusives de ce médicament qui fait des ravages depuis son avènement, au-delà des vertus thérapeutiques qu'il peut avoir. Tel a été le constat fait par les présents à cette journée, tenue à la salle de conférences du siège de la Cnas de Constantine, ayant pour thème "La Sécurité sociale est un droit acquis, préservons-le". L'usage abusif des cartes Chifa "concerne particulièrement les personnes âgées qui ne sont pas soumises au contrôle médical au-delà de 75 ans et donc constituent une voie pour les pratiques indélicates que subit la Cnas", note M. Jouini. Pour lui, "sensibiliser sur l'utilisation de cet acquis, sachant que l'accès aux soins est un droit garanti par la Constitution et que la carte Chifa a permis à beaucoup de personnes d'accéder aux soins, c'est se préoccuper de la pérennité de ce système et réaffirmer qu'il appartient à tous les Algériens. Il y va de la survie de la branche et de l'intérêt des pharmaciens et des prescripteurs, car si demain, ce système est touché par de grands déséquilibres, le pharmacien va en pâtir. Il est donc dans l'intérêt du médecin et du pharmacien que ce système continue à fonctionner. La modernisation de la Caisse par le biais du système Chifa et, notamment, de la carte ne peut s'accommoder de l'utilisation de cette dernière à des fins autres que celles qui ont motivé sa mise en place. Elle est strictement personnelle et le pharmacien est en droit de vérifier si le porteur en est le propriétaire. De même qu'il est prohibé pour le pharmacien de garder dans son officine les cartes chifa car l'on a constaté que beaucoup d'entre elles sont utilisées par de tierces personnes à l'insu de l'assuré". M. Jouini soutient que la Cnas détient des dossiers où les assurés nient catégoriquement avoir pris des médicaments remboursés par la Caisse. "Des dossiers litigieux qui vont aller aux services du contentieux car nous sommes obligés de déposer des plaintes contre les contrevenants", a-t-il prévenu. Et d'attirer, en outre, l'attention des pharmaciens qui veulent venir en aide à des malades par sensibilité, sur le fait qu'ils ne doivent pas le faire au détriment de la Caisse et par le biais de la carte Chifa. "Certains pharmaciens utilisent la carte Chifa comme moyen de pression pour se faire payer par les assurés et il est anormal de retrouver 100 à 150 cartes chez un seul pharmacien. Tout le monde sait les difficultés que traverse la Sécurité sociale, et à ce train-là, nous allons avoir des problèmes. Si la Cnas coule demain, tout le monde va couler, car le seul pilier de solidarité qui existe en Algérie est la Sécurité sociale. J'ai vu des personnes qui ont pris des médicaments pour 1,6 million de dinars en 3 mois, et cela relève de l'aberration !", s'offusque-t-il. Autres points évoqués par le directeur de la Cnas à Constantine, les 7 milliards de dinars remboursés par sa Caisse rien que pour le médicament en 2017.