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Tiferdoud: la culture du compter sur soi (Vidéo)
Le village se prépare à accueillir le festival "Raconte-Arts"
Publié dans Liberté le 15 - 07 - 2018

Les enfants du plus haut et plus propre village de Kabylie ont tout fait par eux-mêmes : infrastructures, aménagement des espaces, eau, environnement et traitement des déchets. Reportage.
Tizi Ouzou. Tiferdoud. À 1197 m d'altitude trône triomphalement une stèle érigée en l'honneur de Micipsa. Le roi berbère accueille les visiteurs à l'entrée du plus haut village de Kabylie. Le choix porté sur le fils du célèbre Massinissa n'est pas fortuit. Micipsa a régné dans la prospérité, entre 148 et 118 av.J.-C., et Tiferdoud entend perpétuer la tradition, en l'an 2018 encore. "Micipsa approvisionnait Rome, et sa stèle est là pour nous rappeler qu'il y a plus de 2000 ans, nous étions de grands exportateurs de blé et de l'huile d'olive. Cela nous encourage à aller de l'avant", explique Latamène Saâdoudi, membre du comité de village. Et le symbole du roi numide est plutôt de bon augure. Les habitants viennent de se doter d'un axxam n'taddart flambant neuf (la maison du village). L'imposante bâtisse est financée à hauteur de 85% par les dons et la générosité des enfants du village, notamment ceux établis à Alger et à l'étranger. Elle comporte une salle de travail, ainsi qu'une salle de réunion et de conférences qui peut accueillir jusqu'à 300 personnes. L'APC d'Abi Youcef (daïra de Aïn El-Hammam) y a contribué à hauteur de 15%, notamment par la fourniture de la boiserie, selon un autre membre du comité de village, Mohand Salem Sadali. Axxam n'taddart donne sur un grand espace, à l'entrée, aménagé en parking. Les visiteurs sont reçus par un membre du comité de village, des tickets d'une valeur de 100 DA à la main. "Votre contribution nous permet de maintenir le village propre", dit-il, tout sourire, aux visiteurs. Tiferdoud a, en effet, remporté la distinction de village le plus propre de Kabylie en 2017. Raison pour laquelle le choix des organisateurs du festival "Raconte-Arts", prévu entre le 19 et le 25 juillet, s'est porté sur lui.
Pouvoir politique et pouvoir religieux
Sur le chemin d'accès au vieux quartier, une charmante fontaine est creusée dans le mur. Une petite salle au décor antique. La statuette d'une femme portant une jarre égaye le lieu. L'eau coule abondamment dans deux bassins. Une grande fraîcheur s'y dégage. Quelques mètres plus haut, le chemin devient plus étroit. Il mène vers le point culminant du village, la place de Tajmaât.

Mohamed Maâmer Saâdoudi, à gauche sur la photo. Photo : © Lydia SAIDI
Mohamed Maâmer Saâdoudi, 99 ans, le premier et plus ancien photographe de la région de Aïn El-Hammam, échange avec un vieil ami. "La mémoire lui est revenue aujourd'hui, profitez-en pour discuter avec lui", suggère un habitant. Maâmer Saâdoudi, qui faisait des photos d'identité pour les habitants du village en 1950 déjà, est aussi un ancien du PPA-MTLD. Un moudjahid. Les séances de torture qu'il a subies de la part de l'armée coloniale française lui ont laissé des séquelles. Il est ainsi des jours où il se rappelle de tout. D'autres, il ne reconnaît même plus les siens. Il parle fièrement de son atelier photo qu'il a ouvert à l'indépendance, en 1962, au centre-ville de Aïn El-Hammam.
28 martyrs, puis Kamel Amzal...
La place Tajmaât est aménagée de façon à réunir les 236 membres de l'assemblée générale du village. Ils représentent les 1 500 habitants, en plus des 2 000 émigrés, originaires de Tiferdoud et éparpillés un peu partout dans le monde. Tajmaât est présidée par l'amin, secondé par l'imam. Mais celui-ci siège surtout à titre honorifique. Son rôle consiste à donner la baraka. Lire des versets coraniques avant le début de chaque réunion. De la place Tajmaât, une petite ouverture sous forme d'arc donne sur une modeste mosquée rénovée au lendemain du recouvrement de la souveraineté nationale. La mosquée du village, qui était jusque-là gérée par l'assemblée générale du village, s'est dotée il y a trois ans d'une association pour gérer ses propres affaires. La mosquée n'interfère pas cependant dans les questions liées à l'organisation de la vie dans le village. C'est Tajmaât qui décide de tout. Mohand Salem Sadali affirme qu'il n'y a jamais eu d'affrontement entre les pouvoirs politique et religieux à Tiferdoud. Et ça semble bien fonctionner. À partir de la grande place, un labyrinthe de ruelles exiguës et sinueuses mène vers d'anciennes et nouvelles bâtisses. On se croirait à la Casbah d'Alger. Quelques différences, toutefois : des pots de fleurs ornent les murs de pierre taillée ; des plantes et des arbres longent les petites allées ombragées ; les petits escaliers sont propres et intacts.
Des femmes aménagent des espaces de spectacles. Photo : © Lydia SAIDI
De vieilles dames en robe kabyle y prennent place et papotent sous le gazouillis des oiseaux. Souriantes, elles saluent les visiteurs. Du côté nord-est de Tiferdoud, un petit village dans le village. Un groupe de femmes de tous âges s'affaire à nettoyer la grande cour qui servira à accueillir de petits spectacles. Voici une maison typiquement kabyle. Cela fait plus d'un siècle que ses murs en pierre et en buse de terre tiennent debout. Sa toiture s'est écroulée depuis que le dernier de ses habitants, un centenaire, a rendu l'âme dans les années 1970. À l'exception de sa toiture, les murs ont résisté au passage du temps. À l'entrée se trouve une salle de séjour. Sur la droite, une étable située à un niveau inférieur de 70 cm. Et juste au-dessus, un genre de grenier pour stocker et conserver les denrées alimentaires, assez haut pour servir, au besoin, de chambre aux invités. Au coin de la salle de séjour, le kanoune (four traditionnel) et les ikoufane (akoufi, au singulier), une sorte de petits silos en terre où l'on conserve notamment les céréales et les légumes secs, demeurent presque intacts. La porte d'accès à ce petit village donne sur une grande cour. Une manière de préserver la vie intime des ménages. Une issue de secours s'y trouve. Elle donne sur la forêt, en bas du village. C'est par ici que s'introduisaient les moudjahidine pendant la guerre de libération nationale, pour trouver refuge et repos. Au besoin, ils empruntaient le même accès pour échapper à un assaut-surprise de l'ennemi. Des soldats français ont d'ailleurs occupé le lieu pendant trois mois, entre 1957 et 1958. C'était à la suite d'un évènement tragique qui a marqué les mémoires. Mohand Salem Sadali en parle avec beaucoup d'émotion. Des moudjahidine, surpris par des soldats français, se sont échappés en empruntant cette issue. Les soldats qui les ont poursuivis ont tiré dans le tas. Leurs balles ont atteint deux jeunes femmes qui lavaient du linge dans un bassin d'eau, à l'entrée de la forêt. Gouadfel Djida avait à peine 24 ans. Idir Zohra, 31 ans. Elles ne sont pas les seules dont se souvient tout Tiferdoud. Le village compte 26 autres martyrs. Et leurs portraits sont fièrement accrochés à un mur, à l'entrée du village.
Ces enfants vont vous étonner...
Mais le sacrifice des enfants de Tiferdoud ne s'est pas limité à la guerre de libération nationale. Kamel Amzal, la première victime de la violence islamiste en Algérie, est un enfant du village. Il avait 20 ans, en 1982, lorsque, étudiant, un groupe d'intégristes l'a lâchement assassiné à coup de couteau et de barres de fer, à la cité universitaire de Ben Aknoun, à Alger, alors qu'il collait des affiches du Collectif culturel d'Alger dont il était membre. Son portrait trône sur une place du village, en souvenir de son combat et de son sacrifice pour tamazight et la démocratie. Tiferdoud n'est pas près de l'oublier. L'association culturelle du village créée aussitôt après la promulgation de la loi relative aux associations, en juillet 1987, porte son nom. Le tout nouveau centre culturel aussi. Il s'agit d'une importante bâtisse où la présidente de l'association culturelle, Lynda Aït Hamouche, prépare soixante filles et garçons à livrer des shows, à l'occasion du prochain festival Raconte-Arts. Elle a fait appel à un danseur professionnel d'Alger. L'écho de la musique résonne jusque dans la rue. Les enfants travaillent des chorégraphies. Il s'agit d'une comédie musicale sur l'exploitation des enfants, et une autre qui raconte l'Afrique dans sa diversité. Les enfants du village préparent aussi des chorales, et une parade de mariage traditionnel. Ils sont âgés de 8 à 16 ans. Ils y bossent depuis la mi-juin à raison de 10 heures par jour. De 8h à 18h, avec une pause déjeuner entre midi et 13h. Les organisateurs du festival vont consacrer une journée pour la production culturelle du village. Autant alors se tenir prêt. Le centre culturel comporte également une bibliothèque. De jeunes étudiants y préparent des monologues pour jouer des pièces de théâtre. Une médiathèque est aussi prévue dans le même espace. Idem pour un atelier de dessin, une salle de théâtre et un espace pour les arts graphiques. Tiferdoud joue gros... et gagne. Il s'est doté d'un centre de soins où des médecins et infirmiers du village assureront bénévolement des prestations médicales et paramédicales bénévolement durant le festival. Pour l'épanouissement de la jeunesse, le club sportif du village a aménagé un terrain multisports. Un gymnase prendra place dans les locaux de l'ancienne école. Le village s'étant doté, avec l'implication de l'association des parents d'élèves de Tiferdoud, d'une nouvelle école et même d'une crèche. De deux terrains de jeu aussi. L'un deux a pris la place d'une maison en ruine qu'utilisait l'armée coloniale pour la torture.
Un terrain de jeu au bonheur des enfants du village. Photo : © Lydia SAIDI
Mohamed Maâmar Saâdoudi, le photographe bientôt centenaire, y est passé. Côté environnement, Tiferdoud dispose d'un centre de tri de déchets. La collecte, le transport et le tri se font par brigades constituées de jeunes du village. En parallèle, un programme de plantation de 1 000 arbres sur une période de cinq ans a été mis en place. C'est la dernière année, et ils en sont à 700 arbres plantés sur un linéaire de 1,5 km, tout au long du village, pour une superficie de 36 ha. Et ce travail remarquable est dirigé par... 28 villageois. Ils représentent le comité de village. Les habitants versent mensuellement 50 DA chacun dans les caisses du comité. Ceux établis à l'extérieur du village payent plus cher : 100 DA. Ils ne participent pas aux travaux d'intérêt général. Les immigrés y contribuent annuellement, à raison de 15 euros chacun. Ceux parmi eux qui sont établis en France se sont également organisés en comité. Et leur comité parisien est même plus ancien que celui de leur village natal, constitué en 1998. "Lorsque mon père a émigré en France, en 1914, âgé alors de 17 ans, c'est le comité de village qui l'avait accueilli et pris en charge à Paris", raconte Mohand Salem Sadali, pour l'histoire. Et justement, pour l'histoire, Tiferdoud a construit son propre musée, sur fonds propres.
M. M.


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