Devant un parterre de repentis, d'imams de mosquée et d'étudiants de l'université des sciences islamiques Emir-Abdelkader, le numéro un de l'ex-AIS s'est exprimé, jeudi dernier, à Constantine lors d'une rencontre sur l'amnistie. Il a jeté un véritable pavé dans la mare quand il a avoué que sa nébuleuse a été manipulée par des cercles du pouvoir. Il déclara que “nous étions l'instrument avec lequel la guerre a été gérée”. Cette sortie de l'ancien chef des maquis du Fis intervient dans un contexte de confusion générale où les repositionnements s'opèrent en fonction du projet d'amnistie du président Bouteflika. L'ex-chef islamiste est pressé de voir cette amnistie se concrétiser sur le terrain. À peine s'il ne dit pas que ce meeting organisé par une de ces associations gravitant toujours et uniquement autour du pouvoir est une perte de temps. “On parle de la concorde nationale et de l'amnistie générale comme si ce peuple, dans toutes ses composantes, a besoin de nous pour le sensibiliser sur une question qu'il a déjà tranchée”, s'écrie-t-il. Dans sa quête, Madani Mazrag n'oublia pas d'encenser le président de la République et d'enfoncer le Chef du gouvernement, mais aussi premier responsable du RND à forte composante de Patriotes et de GLD. “Quand le Chef du gouvernement déclare que l'amnistie générale sera réalisée le jour où les conditions nécessaires seront réunies, nous ne pouvons que nous demander sur la nature de ces conditions. Avec qui allons-nous réunir ces conditions ? Avec les victimes du terrorisme, les familles des disparus et les éléments des forces de sécurité ? Tous, ils ne font qu'attendre le jour où cette amnistie sera décrétée”, tance l'ex-émir. Dans sa tentative d'expliquer les fameuses lignes rouges, il ressasse un discours vieux d'avant 8 avril. Pour lui, “il existe une minorité étrangère à ce pays, mais qui représente malheureusement la majorité au sein des cercles du pouvoir. Au sein de cette majorité, le président de la République se retrouve en minorité. Il est le seul défenseur des espérances du peuple face à ceux qui ne veulent pas voir les Algériens sortir de ce bourbier”. Madani Mazrag appelant à l'application immédiate de l'amnistie sans vérité, responsabilité et pardon, tronque sa casquette de réconciliateur pour celle d'inquisiteur quand il ouvre le feu sur les archs qu'il qualifie de groupes occidentalisés. La même virulence contre le FLN “qui a failli se jeter dans les bras des Occidentaux”, pour reprendre ses termes. En contradiction avec les faits qui ont marqué toute une décennie de terrorisme, comme si amnistie rime avec amnésie, Madani Mazrag est revenu sur la position de son organisation durant les années de feu et de sang. Pour lui, ils n'étaient pas contre l'Etat ou contre le pouvoir, à travers les élus dans les différentes institutions, mais contre le système qui est “un ensemble de lobbies qui n'ont aucun intérêt dans la réconciliation nationale”, pour le paraphraser. À travers sa sortie, que seul le cafouillage qui entoure la scène politique nationale permet, Madani Mazrag, empressé de voir l'amnistie générale se résumer à un décret, encense le président de la République et descend le reste des acteurs de la vie publique. Mourad KEZZAR