Le personnage est sacralisé, déifié. Sollicité récemment pour s'exprimer sur la position d'Amara Benyounès, Ould Abbes a répondu, instantanément : "Il s'agit d'Abdelaziz Bouteflika ! Nous ne sommes rien devant le président de la République !" "Il faut que vous sachiez une chose : d'El-Mouradia à El-Alia." Cette prédiction, aux allures de serment, a été prononcée en 1998 par Abdelaziz Bouteflika, alors "candidat choisi" par des décideurs pour être un "président de consensus". Le serment a été, depuis, répété plusieurs fois devant des personnalités qu'il rencontrait. Près de vingt ans après, cette prédiction est sur le point de se concrétiser. Peu importe la manière. Peu importent les conséquences. En cet été 2018, des partis du pouvoir, à commencer par le FLN et son alter ego du RND, s'activent à sanctuariser le chemin qui mènera Abdelaziz Bouteflika vers la présidence à vie. Une œuvre qui n'est, en réalité, que la poursuite d'une œuvre entamée par le chef de l'Etat, lui-même, lors de sa "prise de pouvoir" en avril 1999. Sentant le "danger" venir de certains partis et personnalités de l'opposition, Djamel Ould Abbes et ses amis ont mis en place un plan de communication pour fermer le jeu. Jouant comme d'habitude sur les "dangers de l'instabilité" et la nécessité de "continuer l'œuvre", les partis du pouvoir sortent le grand jeu : comme en 2014, ils mettent en place un scénario bien établi, celui de multiplier les appels à Abdelaziz Bouteflika pour qu'il "poursuive son œuvre". "La poursuite de l'œuvre" semble être la nouvelle formule trouvée par les partisans d'Abdelaziz Bouteflika pour avaler la pilule. Ils évitent, ainsi, d'évoquer le nombre de mandats que leur champion aura passés à la tête de l'Etat. Cette option fait polémique parmi les juristes. Mais cela passe mal devant l'opinion publique internationale qui constate que le chef de l'Etat algérien persiste à demeurer Président à vie, malgré un état de santé délicat. Autre stratagème trouvé par les partisans du chef de l'Etat : créer un mythe autour d'Abdelaziz Bouteflika. Le personnage est sacralisé, déifié. Interrogé récemment par une journaliste pour s'exprimer sur la position d'Amara Benyounès, Djamel Ould Abbes a répondu, instantanément, sur un ton théâtral : "Il s'agit d'Abdelaziz Bouteflika ! Ni d'Amara Benyounès, ni de personne d'autre ! Nous ne sommes rien devant le président de la République !" Quelques semaines auparavant, des ministres, cadres supérieurs de l'Etat et même de hauts responsables se prosternaient devant un portrait du chef de l'Etat. Des pratiques qui rappellent des régimes relevant d'un autre âge ; de la Corée du Nord à la Chine de Mao Tsé-toung, les portraits des chefs d'Etat sont affichés dans tous les coins du pays. De simples hôtels aux écoles des villages les plus reculés, l'effigie du "chef suprême" fait office d'étendard. Devant l'absence physique du chef de l'Etat, dont l'état de santé n'est connu que par un nombre très restreint de personnes rôdant dans la résidence présidentielle de Zéralda, des questions légitimes sont posées par l'opposition. Certains considèrent d'ailleurs qu'Abdelaziz Bouteflika est l'otage de son entourage. Même des partis de la "majorité" présidentielle se posent publiquement la question. "Personne ne doit obliger le Président à se représenter pour un autre mandat, comme personne n'a le droit de lui interdire de se porter candidat, en dehors du Conseil constitutionnel", avait notamment déclaré, en juillet, Amara Benyounès, le dernier des soutiens traditionnels du chef de l'Etat à ne pas avoir encore embarqué dans ce navire qui mène vers "la poursuite de l'œuvre". Si certains, comme Louisa Hanoune, trouvent "indécent" de parler d'un nouveau mandat présidentiel, d'autres n'hésitent pas à faire le lien avec ces incessants appels à une présidence à vie et la protection de certains intérêts matériels acquis durant le règne de celui qui a déjà battu le record de présence à la tête de l'Etat algérien. Il s'apprête, vraisemblablement, à faire comme son mentor, Houari Boumediene, mort Président ! Ali Boukhlef