Les partis de Djamel Ould Abbes et d'Ahmed Ouyahia soldent désormais leurs comptes, la presse et l'opinion sont prises à témoin. À huit mois de l'élection présidentielle, les partis dits de "la majorité présidentielle" se déchirent. Sur fond de soutien à une éventuelle candidature d'Abdelaziz Bouteflika à sa propre succession, le FLN, le RND et, à un degré moindre, le MPA se livrent à une guerre des mots. Et de positions. Pour s'en prendre une nouvelle fois à son éternel rival, le RND d'Ahmed Ouyahia, le FLN, du moins son secrétaire général, Djamel Ould Abbes, fait feu de tout bois. Lors d'une communication donnée mardi, ce dernier a, en effet, rappelé qu'en 1999, le secrétaire général du Rassemblement national démocratique de l'époque avait marchandé son soutien à Abdelaziz Bouteflika. Djamel Ould Abbes, qui a égratigné au passage le MSP avant de revenir sur ses déclarations, a omis de préciser qu'Ahmed Ouyahia n'était pas le premier responsable du RND à l'époque. Même s'il a souligné qu'il s'agissait d'"un jeune responsable" qui "venait d'entrer en politique". Les journalistes présents ont vite compris qu'il s'agissait de Tahar Benbaïbèche, qui avait refusé, en effet, de donner sa caution au "candidat du consensus". Il avait été débarqué de la tête du parti et vite remplacé par Ahmed Ouyahia, qui, lui aussi, a dû connaître une infortune avant de revenir aux commandes du parti. Se sentant visé, le RND n'a pas mis beaucoup de temps pour réagir. Il rédige et rend public un communiqué où il tente d'expliquer que c'est l'ancien secrétaire général, écarté depuis, qui s'était opposé à Abdelaziz Bouteflika et non Ahmed Ouyahia. Cela ne semble pas avoir réussi à ramener le secrétaire général du FLN à de meilleurs sentiments. Il est revenu à la charge. Ould Abbes, qui a diffusé un communiqué émanant du bureau politique de son parti pour s'expliquer sur l'implication de Mahfoud Nahnah, le leader de Hamas, disparu en 2003, dans ce "marchandage" avec Abdelaziz Bouteflika, en profite pour enfoncer davantage le RND. Ce dernier ne bronche pas. En marge de cette nouvelle passe d'armes, un autre parti de la "majorité" présidentielle s'est démarqué du discours ambiant. Amara Benyounès, président du Mouvement populaire algérien (MPA), a décidé de ne pas se prononcer sur l'élection présidentielle. L'homme, qui fait pourtant partie des fervents soutiens au chef de l'Etat, entonne sa propre partition. "Personne ne doit forcer la main et ne doit obliger le Président à se représenter pour un autre mandat, comme personne n'a le droit d'empêcher le président de la République ou de lui interdire de se porter candidat, en dehors du Conseil constitutionnel", avait indiqué le président du MPA dans une interview accordée à TSA. "Laissons ce 4e mandat se terminer et laissons le président de la République prendre sa décision en son âme et conscience et en son intimité la plus profonde", a ajouté l'ancien ministre de l'Industrie, qui renvoie la tenue du conseil national de son parti à une date non indiquée. "Il observe et veut prendre son temps", a confié un de ses proches. Mais, contrairement aux autres partis de "la majorité présidentielle", Benyounès ne veut pas aller à l'aventure sans avoir suffisamment d'informations. Pour ne rien arranger entre les soutiens du chef de l'Etat, le président du MPA est allé rencontrer, à sa demande, le chef d'un parti de l'opposition, à savoir Abderrezak Makri du MSP. Une initiative qui suscite des interrogations, y compris dans son propre parti. Ouyahia, la cible Ces tiraillements au sein des partis qui soutiennent le chef de l'Etat ne sont pas les premiers du genre. Au début de l'année, Djamel Ould Abbes avait juré de faire tomber Ahmed Ouyahia, le Premier ministre, s'entend. Le secrétaire général du FLN a, alors, multiplié les attaques publiques envers l'action politique du Premier ministre, allant jusqu'à créer une sorte de gouvernement parallèle. Pis encore, "le parti du Président" comme aime à le souligner Ould Abbes, a organisé une "tripartite" parallèle pour, officiellement, clarifier certaines démarches du gouvernement à commencer par le fameux "partenariat public-privé", qui devait permettre au gouvernement de privatiser en partie certaines entreprises publiques. Les assauts contre Ouyahia n'ont cessé qu'avec l'annonce d'un remaniement ministériel, intervenu en avril dernier. "Certains ont parié sur mon limogeage", avait alors indiqué le Premier ministre, qui semblait ainsi savourer son maintien à la tête du gouvernement. Le secrétaire général du RND affichait ainsi sa revanche sur Ould Abbes qui a dû adoucir son discours. Depuis le printemps, Ouyahia a travaillé dans une relative sérénité. Mais, de temps en temps, le secrétaire général du FLN décoche des flèches. C'est le cas en juin lorsqu'Ouyahia avait demandé aux hommes d'affaires de faire appel aux anciens pieds-noirs pour venir investir en Algérie. "Les pieds-noirs peuvent venir. Mais en tant que Français", avait répliqué, sèchement, Ould Abbes qui, en même temps, avait actionné ses alliés de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM). Ces derniers ont rendu public un communiqué au vitriol pour dénoncer les propos du Premier ministre. Ouyahia et son parti ont dû s'expliquer une nouvelle fois. Alors que le FLN entonne depuis de longs mois la rengaine appelant Abdelaziz Bouteflika à se représenter pour un nouveau mandat présidentiel, Ahmed Ouyahia entre en ligne. Il annonce, lui aussi, son soutien à un cinquième mandat pour le chef de l'Etat, obligeant ainsi le secrétaire général du FLN à reconnaître qu'il est favorable à un "candidat du consensus". Mais, contrairement à Amar Ghoul, le secrétaire général de TAJ, qui appelle à l'élargissement de la base des partis qui soutiennent "le programme du président de la République", le chef du FLN enterre définitivement l'idée d'une alliance. "Le temps des alliances est révolu !", avait objecté Djamel Ould Abbes lors d'un meeting à Aïn Defla. Si les partis proches du chef de l'Etat affichent publiquement leur soutien à Abdelaziz Bouteflika, des observateurs et analystes politiques n'hésitent pas à lier ces tiraillements entre le FLN, le RND et le MPA à une guerre de positionnement que se livrent, dans le sérail, d'autres acteurs plus puissants que les chefs de parti. La succession à Abdelaziz Bouteflika, qui se joue en coulisses, risque d'être plus agitée. Ali Boukhlef