En plus de la reconnaissance de l'existence d'un système de torture légalement institué pendant la guerre d'Algérie, le président français, Emmanuel Macron, a promis, jeudi, d'ouvrir les archives sur les milliers de disparus français et algériens durant cette période. "Ce sera un travail énorme, mais salutaire. La dérogation est bonne pour tout le monde : Français, Algériens et pieds-noirs. Tout le monde a intérêt à connaître la vérité", a soutenu Macron, lors de sa visite à la veuve du mathématicien et militant communiste, Maurice Audin. Le président français a également lancé un appel à témoins pour la restitution de documents gardés chez des particuliers. L'Elysée a relevé un peu plus tard qu'énormément de témoins, soldats et civils se sont abstenus de transmettre certains documents "de peur d'être accusés de déloyauté ou d'être poursuivis". Un arrêté ministériel, indique l'Elysée, définira le périmètre de l'ouverture de ces archives précisant qu'il ne s'agira pas d'une dérogation sur la totalité des documents de la guerre, dont beaucoup d'intervenants, civils ou militaires, sont encore vivants. Mais seulement de déclassifier les archives portant sur les disparus. Pour Benjamin Stora, historien de la guerre d'Algérie et président du Musée national de l'histoire de l'immigration, "l'ouverture d'archives d'Etat est décisive. Depuis les années 1990, cela fonctionnait par dérogation, sans levée générale. J'espère que cette reconnaissance permettra la levée pour permettre d'entrer pleinement dans l'histoire". Benjamin Stora, qui répondait à une question du journal L'Humanité sur les perspectives qu'ouvre cette mesure pour les historiens, témoigne que "jusqu'à présent, les archives étaient très difficiles d'accès. Quand j'ai travaillé dans les années 1970, on accordait plus d'importance aux témoignages, au vécu, à l'oral, à la presse et aux archives militantes". Selon cet historien, le geste du président Macron "n'est pas un verdict définitif à propos de la guerre d'Algérie. Il dit des faits, déjà établis par les historiens, maintient ouverte la porte des controverses citoyennes pour sortir de la rumination du passé et des blessures mémorielles, encourage les acteurs et témoins à parler de leurs souffrances". C'est un travail de mémoire "jamais clos", ajoute Benjamin Stora qui plaide en faveur de la nécessité de l'ouverture, des deux côtés de la Méditerranée, des archives de la guerre d'Algérie. Nissa H.