Cet immense artiste sera célébré ce samedi à Montréal, au Québec, grâce à l'initiative d'un collectif de militants associatifs. Personne, ou presque, n'a chanté l'exil comme lui. Il a tutoyé les montagnes, invoqué les saints et rêvé de la terre des ancêtres. Slimane Azem demeure, 35 ans après sa disparition, un artiste flamboyant qui a contribué grandement à l'édifice de la chanson kabyle. Natif d'Agouni Gueghrane en Haute-Kabylie, Slimane Azem, dont on célèbre cette semaine le centenaire de sa naissance, arrive très jeune en France où il travaille d'abord comme manœuvre à Longwy avant d'écumer les entrailles de Paris comme électricien dans le métro. C'était en 1942, en pleine Guerre mondiale. Azem est réformé et ne passera pas donc le service militaire. Fasciné par la métropole, le villageois de Kabylie est réduit à vivre dans les souterrains parisiens. Cela lui a inspiré l'une de ses premières chansons : A Muh a Muh. Rapidement, sa réputation se mit en place, ses disques se vendaient comme des petits pains au disquaire Sauviat. Le disque d'or qu'il obtint avec la chanteuse Noura en 1970 le propulse au-devant de la scène. Les thématiques chantées dans le répertoire de Slimane Azem rappellent les bouleversements de la société gagnée par le renversement des valeurs. Zman n tura yexreb (les temps sont désormais troublés), chante-t-il, amer. Héritier de la poésie mohammadienne, Slimane Azem qui a emprunté les métaphores des fables de la Fontaine défend les valeurs de la société traditionnelle. Mais sa fibre d'artiste-né fait créer chez lui une ambivalence qui rappelle le rapport que Si Muh u Mhend avait avec l'alcool : balancement entre transgression et repentir. Mais c'est sur la thématique de l'exil que le répertoire de Slimane Azem a été bâti. Cette thématique traverse comme une balafre tout son parcours d'artiste. Incontestablement, il est le poète de l'exil. La terre natale chantée, pleurée, doit-on dire, dans ses textes rappelle la douleur atroce d'une plaie restée encore ouverte. D aghrib d aberrani (exilé et étranger), Ay afrux ifirelles (hirondelle, oiseau messager), A tamurt-iw aâzizen (Algérie mon beau pays) constituent la trilogie azémienne de l'exil. La nostalgie de la terre natale l'a consumé à petit feu. Ses textes d'une densité poétique avérée dénoncent un arbitraire qui a dépouillé l'artiste de sa terre nourricière. C'est pourquoi, l'exil n'étant pas une terre natale, ne pouvait constituer un pays de rechange. C'est cet immense artiste qui sera célébré ce samedi à Montréal, au Québec, grâce à l'initiative d'un collectif de militants associatifs. Son parcours artistique sera ainsi revisité. Bruno Azem, neveu de l'artiste, sera à Montréal pour évoquer la vie de Slimane Azem, lui qui n'a pas souhaité mourir en exil. Mais la Faucheuse le surprendra dans sa ferme à Moissac un certain 28 janvier 1983. Slimane Azem a dénoncé le colonialisme, mais il est mort en exil. Effegh ay ajrad tamurt-iw (criquets, quittez mon pays) est un réquisitoire implacable contre le colonialisme. Dda Slimane a également chanté taqbaylit (Ghef teqbaylit yuli wass) en hommage au Printemps berbère. En ce mois de septembre qui l'a vu naître, nous saluons sa mémoire. Y. A.