Le deux poids, deux mesures de la communauté internationale dans le traitement des conflits armés conduit chaque fois à la catastrophe. Cela est le cas au Yémen où une tragédie se déroule à huis clos depuis 2013. Plus de cinq millions d'enfants yéménites sont menacés par la famine, en raison du lancement de l'opération militaire des forces pro-gouvernementales sur le port d'al-Hodeïda, sous contrôle des Houthis, a averti hier l'ONG Save The Children, dont l'appel a peu de chance d'être entendu par l'Arabie Saoudite qui dirige une coalition militaire au Yémen, avec la bénédiction de son allié américain. "Toute perturbation des approvisionnements en nourriture et carburant passant par Hodeida pourrait causer une famine d'ampleur sans précédent", a dénoncé l'organisation britannique dans un rapport. Le port qui s'ouvre sur la mer Rouge est le point de passage de l'aide humanitaire et des importations des produits alimentaires dont les prix se sont envolés ces derniers jours en raison des violences qui risquent de s'aggraver dans les jours et semaines à venir. D'autres organisations humanitaires, comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ont affirmé que le prix des denrées alimentaires a augmenté de 68% depuis 2015, date à laquelle une coalition dite arabe, sous commandement saoudien, a lancé une guerre d'agression contre les Houthis, sous prétexte de restaurer l'ordre institutionnel et constitutionnel, se cachant aussi derrière une supposée guerre confessionnelle, opposant les sunnites aux chiites dans la péninsule arabique. Ainsi, selon l'Ocha, le coût d'un panier alimentaire de produits de base a augmenté de 35%, tandis que les prix de l'essence, du diesel et du combustible pour la cuisine ont augmenté de plus de 25% depuis novembre 2017. Dès octobre 2017, le Programme alimentaire mondial (PAM) avait averti qu'au-delà des combats et des raids aériens, la nourriture était désormais "une arme de guerre" au Yémen, ont rapporté les agences de presse. Ainsi, après quelques semaines de répit, la reprise des violences dans al-Hodeïda ne semble pas émouvoir une communauté internationale indifférente face au sort réservé à 27 millions de Yéménites et mobilisée de manière quasi unanime à faire tomber le président syrien Bachar al-Assad pour sauver des groupes armés présentés comme une opposition démocratique en Syrie. "Des millions d'enfants ignorent quand ou si leur prochain repas viendra", a déploré Helle Thorning-Schmidt, directrice générale de l'ONG. "Dans un hôpital que j'ai visité dans le nord du Yémen, les bébés étaient trop faibles pour pleurer, leur corps épuisé par la faim". "Cette guerre risque de tuer tout une génération d'enfants yéménites confrontés à des menaces multiples, des bombes à la faim et aux maladies évitables comme le choléra", a-t-elle ajouté. Une tentative de pourparlers politiques parrainés par l'ONU a échoué récemment à Genève, après que les Houthis aient été empêchés par Riyad de s'y rendre en refusant de donner l'autorisation à un avion omanais de quitter Sanaa. Le conflit a fait quelque 10 000 morts, plus de 56 000 blessés et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU. Lyès Menacer/Agences