Qu'en est-il du statut de la fille dans le cocon familial, pas du tout douillet ? Honnie à sa naissance et épiée de l'œil et le bon du petit frère, la fille n'est qu'une punching-ball pour l'exutoire du grand frère. C'en est ainsi, jusqu'à son mariage, où elle endure les maux du mâle. Docile, voire patiente, la fille n'a qu'à faire le dos rond face aux flots d'obscénités d'un dragueur aux aguets à tout coin de rues, et se travestir d'un "foulard" pour esquiver les qu'en-dira-t-on des esprits biens pensants du cercle de la médisance. Alors, et partant d'un constat peu reluisant, osons une question à brûle-pourpoint ! Est-ce qu'on a fait mieux qu'à l'époque de la djahilîya où la fille était ensevelie à ses premiers vagissements du temps de l'ignoble Abû Al-Hikâm Ben Hichâm que le Prophète Mohammed (QSSSL) a magnifié du sobriquet d'Abû Jahl ? Pas si sûr que ça ! Car il semble qu'il ait fait des adeptes, ce père-fouettard, étant donné que le pseudonyme de cet épouvantail Koraïchite figure jusqu'à nos jours au front du macho et au fronton de l'école buissonnière qui n'a rien à envier à l'école publique. Donc, qu'elle se nourrisse de trop d'oxygène ou qu'elle prenne trop de place sur le "strapontin" qu'elle occupe dans la famille, tous les mâles se coalisent autour de l'objectif de la bâillonner. De telle sorte à faire taire les voix intérieures qui susurrent à la fille d'être tout simplement un "Être" ou "Elle" ! De préférence, cette douce moitié doit rouler sur le même essieu que l'homme au lieu de rééduquer le mari après qu'il eut enterré sa vie de garçon dans le stupre. Pis encore, l'ogre Abu Jahl aurait même chauffé les esprits à l'aide de sa pelle de croquemort qu'il a rougis au feu de l'enfer et qu'il a légué par voix testamentaire à la secte de l'intolérance. Et dans la cacophonie des fatwas, on y perçoit le ramage des Voix de femmes, voies de fait de Farida Saffidine (éd. El- Ibriz), qui nous conte l'indécent cas de Zamen, ce rejeton de Z'likha l'insoumise à son époux Ali et qui eut droit à l'exclamation "C'est un garçon !" Fière, la belliqueuse belle et grand-mère exhiba même le "sexe" de Zamen qui n'avait en principe qu'une seule voie ! Celle d'un frère protecteur, qui a dévié de sa voie originelle pour battre sa sœur mal-aimée Daïkha et tout ce qui portait le binouar charb z'daf. Exclue de l'affection parentale, Daïkha fut accueillie avec l'humiliant écho de commères : "Mabrouk âalik n'sib" (Félicitations ! T'as un gendre) que les voisins assénaient au père. Si Z'likha était aux petits soins avec Zamen, en revanche Daïkha était ignorée, au motif qu'elle pouvait extérioriser son stress de son entre-jambes. Vint ensuite le deuxième garçon Chams qui n'éclaira pas la maisonnée mais qui s'acharna surtout sur Hala, Radhia et Berkahoum pour qu'elles ne soient pas des Aïcha-Radjel ! Prénommée Berkahoum, celle-ci devait être l'oracle pour dire stop à la procréation féconde de filles, car "Aïcha khir men Ayache"! Non pas qu'il soit un pamphlet revendicatif à l'aide d'adages du terroir, au contraire Voix de femmes, voies de fait c'est ce rai de lumière qui humanise la révoltante saga d'une famille qui est identique aux cas cruels qui existent dans la plupart de nos chaumières. Alors, aidé de sa sœur, l'ange Mountasser vaincra-t-il le voile de l'obscurantisme aux côtés de la révoltée Radhia sa sœur… médecin ? Est-ce à dire que le bonheur est femme ? Assurément oui ! Mais, on n'en dira pas plus, si ce n'est de vous conseiller la lecture de ce témoignage romancé qui est aussi une plaidoirie pour humaniser le sort peu enviable de la femme dans notre pays. Louhal Nourreddine Voix de femmes, voies de fait de Farida Saffidine, Editions El-Ibriz 2018, 111 pages – 600 DA.