La situation juridique des lots de terrain n'est pas apurée : 50% des opérateurs n'ont pas de titres de propriété. Le parc du foncier national est dans un état précaire. Il constitue un goulot d'étranglement et un élément “actif” de blocage des investisseurs. La cote d'alerte est déjà atteinte depuis plusieurs années. Il y a une décennie, le manque de financement constituait le principal problème contraignant la concrétisation de projets d'investissement. Aujourd'hui, le foncier est, en un mot, considéré comme l'obstacle n°1 à l'investissement. Les diverses décisions prises jusque-là pour endiguer un tant soit peu cette crise restent en deçà des objectifs escomptés. Cette situation on ne peut plus préoccupante semble ne pas avoir laissé indifférents les responsables en haut lieu, à leur tête le premier magistrat du pays. Le ministre de l'industrie et de la restructuration a été, en effet, un des premiers membres du gouvernement que le président de la République a reçus il y a à peine un mois. Le but de cette rencontre était clair : régler de manière rapide et définitive la problématique du foncier industriel qui a bloqué le bon déroulement de projets prévus, entre autres, dans le programme de relance cher à Bouteflika. Le constat révèle un mal profond. Les infrastructures souffrent d'une obsolescence prononcée. La plupart des zones industrielles et d'activités (ZI et ZA) ont été réalisées dans les années 1970 et au début des années 1980, à l'époque de l'économie dirigée où l'Etat était omniprésent. Pis, les instruments d'accompagnement pour assurer le basculement n'ont pas été mis en place. Certes, l'Etat avait mis les moyens financiers pour la viabilisation et la construction des infrastructures au sein de ces zones. Or, ces espaces nécessitaient des opérations de maintenance et de rénovation. La crise financière de 1986 marquée par les restrictions budgétaires n'a pas permis aux responsables concernés d'atteindre cet objectif. Le système de gestion des ZI et des ZA n'est plus adapté aux nouvelles donnes politico-économiques. Les établissements gestionnaires avaient un caractère public et purement administratif. Ce qui crée, par conséquent, des blocages, compte tenu de la nouvelle conception de l'économie nationale. Autrement dit, les textes mis en application à cette époque constituent la première entrave à l'investissement. Il fallait donc impérativement revoir ces lois de sorte à ce qu'elles soient adaptées à la nouvelle situation. Un autre problème et non des moindres vient se greffer à cette problématique : la situation juridique non apurée des lots de terrain cédés. Car 50% des opérateurs qui ont acquis leurs terrains depuis 20 ans et qui ont lancé leurs projets — actuellement en plein fonctionnement — n'ont pas de titre de propriété. Ces investisseurs ne sont pas des propriétaires authentiques. Ceci n'est pas sans conséquence sur les divers projets de partenariat envisagés par ces derniers. Les étrangers, vu ce manque de titres de propriété, appréhendent le partenariat avec les sociétés locales. Pis, les banques refusent d'hypothéquer leurs crédits sur la base d'un titre provisoire. Elles exigent, en toute légitimité, l'acte authentique. Faiblesse dans la qualification des gestionnaires Dans un autre registre, la faiblesse des qualifications des gestionnaires n'a fait qu'envenimer une situation déjà peu reluisante. La majorité des personnes à la tête de ces zones n'a pas suivi la formation requise. Celle-ci était purement administrative. Par ailleurs, l'Algérie est parmi les rares pays qui ne disposent pas d'un plan national d'aménagement du territoire dûment approuvé. Pour rappel, ce schéma consiste en le découpage du territoire en régions spécifiques, en fonction d'un certain nombre de paramètres, telles que la vocation de chacune, à savoir agricole, industrielle… Ce choix n'a malheureusement pas été respecté. Ainsi, des usines et des complexes ont été érigés dans des régions par souci d'équilibre régional et suivant des préoccupations socioéconomiques et de création d'emploi au détriment de la rentabilité du projet. De grandes unités édifiées à coups de milliards de centimes ont été paradoxalement fermées dès leur réception. Elles n'ont pas bien fonctionné, car l'étude de marché n'a pas été effectuée sérieusement. Le produit mis sur le marché n'a, de ce fait, pas trouvé acquéreur. Si un plan était établi, l'usine d'automobiles de Tiaret, dira M. Kirat, directeur de la prospective au ministère de l'industrie et de la restructuration, n'aurait pas été créée dans cette wilaya. Cette région, expliquera-t-il, n'est pas à vocation industrielle. 30% des terrains sont inoccupés Les procédures d'accession au foncier industriel ne sont pas, non plus, adaptées. Actuellement, un investisseur qui demande un terrain, est dirigé vers le Calpi (comités locaux d'assistance dans la localisation de projets d'investissement). Les textes ayant régi le Calpi datent du 15 mai 1994. Ils signifient clairement que ces comités ne constituent pas un passage obligé pour les investisseurs. Ces derniers avaient donc le choix de solliciter ce Calpi ou de choisir des promoteurs. Ce passage par les comités a provoqué une pression et a constitué, par conséquence, un frein à tout projet d'investissement. Le Calpi, faut-il le rappeler, a été mis en place à titre transitoire en attendant la création d'un véritable marché du foncier national. Huit ans après, force est de constater que la pression ne fait qu'augmenter la demande. L'autre problème soulevé qui a accentué ce phénomène a trait au gel des lots de terrain attribués et des infrastructures immobilières (constructions). En effet, des lots de terrain ont été attribués depuis 15, voire 20 ans, mais ne sont pas utilisés à ce jour. Ces parcelles ont souvent changé de propriétaire alors que la demande ne cesse de prendre des proportions importantes que les responsables concernés n'arrivent pas à satisfaire. Les terrains vacants sont, faut-il le souligner, estimés à plus de 30% de la superficie globale des ZI. À cela, il faut ajouter les infrastructures des entreprises publiques dissoutes gelées depuis de longues années. B. K. REPERES - L'Algérie dispose d'un parc national important eu égard au nombre de ZI et de ZA : Il a été recensé 72 ZI qui totalisent une superficie de 14 800 hectares - Le nombre de zones d'activités est de 449 ayant une superficie totale de 7 500 hectares. - La superficie globale est de 22 300 hectares. - Plus de 30 % de cette superficie reste vacante. - Plus de 15 % des terrains des ZI sont vacants alors que ceux des ZA sont estimés à 60 % B. K. Contenu du programme de réhabilitation Les décisions arrêtées par les différents gouvernements n'ont pas apporté les solutions attendues de par l'ampleur de la problématique. Toutefois, l'Etat a mis les moyens nécessaires pour la réhabilitation de ces zones. Pour cela, une enveloppe de quelques milliards de DA a été dégagée. Plus de 38 opérations de rénovation ont été effectuées depuis 1999 ; 17 autres sont en cours d'exécution. La démarche sera poursuivie durant l'année en cours jusqu'à 2004. La réhabilitation des ZI et des ZA a touché tout le territoire national. Cependant, le lancement du programme spécial-sud a poussé le MIR à exclure de cette action 13 wilayas du sud du pays. Sétif, Blida et Oran ont bénéficié de deux voire trois opérations de ce genre. “Nous avons commencé prioritairement par les wilayas à fort potentiel industriel”, expliquera M. Kirat. Les 38 opérations ont coûté, selon ce responsable, 1,250 milliard de DA. Celles en cours de réalisation sont estimées à 700 millions de DA. Il reste à la tutelle environ 1 milliard de DA pour concrétiser ces objectifs tracés pour les années 2003 et 2004. “L'enveloppe reste insuffisante. Nous allons demander une rallonge au gouvernement”, précise le directeur. “L'idéal est de pouvoir assainir tous ces espaces pour passer à une autre phase de réformes”, soulignera-t-il. Les besoins globaux du Ministère de l'Industrie et de la Restructuration (MIR), pour la réhabilitation de tout ce patrimoine, s'élèvent, selon notre interlocuteur, à 20 milliards de DA. L'Etat prendra en charge 50 % de cette enveloppe et assurera les travaux dits de première priorité, notamment les réseaux, les routes, l'électricité, l'assainissement… La seconde moitié sera à la charge des opérateurs installés qui auront à assurer les travaux de seconde priorité liés aux services de proximité, aux centres d'affaires, aux motels, aux endroits d'expositions…Par ailleurs, le secteur souffre d'un manque flagrant en matière de législation et de réglementation spécifiques aux zones industrielles. Ce qui a donné lieu à un chevauchement de compétences entre les différentes parties impliquées. C'est ainsi que l'Etat est en train d'élaborer un nouveau texte législatif qui traitera de tous ces aspects. Cette loi aura à définir le cadre institutionnel de création, d'extension et d'affectation des ZI. Elle (la loi ndlr) aura également à fixer les règles et les modalités de régulation et de gestion du foncier industriel. Cette disposition ne concernera pas les attributaires qui ont acquis leurs terrains d'une manière spéculative en deuxième ou troisième main. En 1998, sauf 25% des opérateurs qui avaient leurs terrains, disposaient d'un titre de propriété. Le MIR a pu en régulariser plus de 48 %. Il reste 50 % qui sont dépourvus de cet acte. Les nouveaux tarifs exigés par les entreprises dissoutes dans la vente de terrains, posent aussi un problème épineux aux investisseurs. Les prix sont passés de 100 DA/m2 à 2 000 DA/m2. Le nouveau texte, qu'envisage le MIR, prévoit la mise en place d'entités de gestion de chaque zone et la création d'une agence nationale du foncier et de la promotion de ces zones. L'avant-projet de loi arrêterait aussi les conditions d'octroi de terrain gracieusement. Si le texte venait à être accepté par l'Exécutif, l'attribution de ces terrains au DA symbolique interviendrait dans les régions à promouvoir à l'intérieur du pays. B. K.