L'un des plus grands mystères de l'histoire du journalisme, l'identité de “Gorge profonde”, source-clé du Washington Post pour mettre au jour le scandale du Watergate, a enfin été levé, mardi, avec l'identification de Mark Felt, ancien numéro 2 du FBI. “Je suis le gars qu'on a appelé Gorge profonde”, a confié le vieux monsieur de 91 ans au magazine Vanity Fair, information confirmée quelques heures plus tard par le Washington Post. L'affaire du Watergate avait mené à la démission du président Richard Nixon en 1974. L'identité de la source secrète du journaliste Bob Woodward, qui enquêtait avec son confrère Carl Bernstein, a été l'un des secrets les mieux gardés depuis plus de trente ans. Seul, leur rédacteur en chef Ben Bradlee était dans la confidence, et tous trois avaient juré de préserver l'anonymat de la source jusqu'à sa mort. Felt a aidé le Post à une époque de très forte tension entre la Maison-Blanche et une grande partie de la hiérarchie du FBI, explique Woodward sur le site du quotidien. Il espérait être promu à la tête du FBI, quelques semaines avant le “cambriolage” à l'origine du scandale du Watergate, ajoute-t-il. De son côté, la famille du vieillard, apparu brièvement sur le pas de sa maison californienne sous les sunlights des caméras de télévision, assure qu'il ne cherchait pas à démolir le président Nixon. En regardant une émission télévisée sur le Watergate, sa fille Joan dit avoir délibérément demandé à son père, à la troisième personne : “Est-ce que tu penses que Gorge profonde voulait se débarrasser de Nixon ?” “Non, je n'essayais pas de le descendre”, a répondu Felt, insistant qu'il “ne faisait que (son) devoir”, selon Vanity Fair. Joan Felt a persuadé son père de révéler son identité de son vivant malgré de sérieuses réticences, en l'assurant que cela pourrait lui rapporter de l'argent pour financer la scolarité de ses petits-enfants, selon le magazine. Il était notamment inquiet que son action puisse être jugée indigne ou même illégale. Le mystère de “Gorge profonde” a fasciné la classe politique et la presse américaine depuis une trentaine d'années. Le 9 août 1974, Nixon démissionnait à l'issue d'un long scandale ayant débuté deux ans plus tôt par le “cambriolage” des bureaux du parti démocrate à Washington, par cinq hommes qui avaient tenté d'installer des micros d'écoute. Deux journalistes chargés des pages locales, Bob Woodward et Carl Bernstein, tous deux moins de 30 ans, se distinguent alors par leur enquête, révélant les liens du cambriolage avec la Maison-Blanche. Leur livre, Les hommes du président, connaît un immense succès, son adaptation au cinéma, sous les traits de Dustin Hoffman et Robert Redford, achevant de les rendre célèbres. Leur malicieux rédacteur en chef, le légendaire Ben Bradlee, a expliqué, mardi, avec une pointe de jubilation que cela avait été rassurant de publier des informations explosives sur le scandale, en sachant qu'une des sources était un haut responsable du FBI. Il n'a connu le nom précis de la source que quelques semaines après la démission de Nixon, a-t-il indiqué.