Pour ce journaliste du Washington Post, saisir les motifs de l'invasion de l'Irak revient à s'interroger sur la personnalité de George W. Bush. Qu'est-ce qui a bien motivé la guerre en Irak ? Le pétrole ? La sécurité d'Israël ou la volonté de l'administration américaine de créer “un poste avancé” pour contrôler de plus près “le géant dormant”, la Chine ? Si elle reste à ce jour du domaine de l'analyse, pour le célèbre journaliste américain, Bob Woodward, l'une des motivations principales est à rechercher dans la personnalité profonde de George W. Bush. “Il faut comprendre Bush pour comprendre la guerre en Irak”, dit-il. Comme tous les Américains, le président Bush, informe le journaliste, a été affecté psychologiquement par les attentats du 11 septembre qui ont visé les deux tours jumelles du World Trade Center à New York. “Il faut comprendre le 11 septembre et ses conséquences émotionnelles (…) l'un des moteurs de cette guerre est l'idéalisme. Bush dit qu'il a le devoir de libérer les peuples, il en est convaincu”, confie Bob Woodward devant un panel de 200 journalistes réunis, mercredi dernier, au département d'Etat à Washington dans le cadre d'un symposium international pour les journalistes autour de plusieurs thèmes dont celui “des médias américains et les relations internationales”. Réputé “Watergate”, une affaire d'espionnage du siège du parti démocrate par les républicains au début des années 1970 et qui conduira au départ du président Richard Nixon — complice — de la Maison-Blanche, Bob Woodward, actuellement rédacteur en chef adjoint au Washington Post, auteur d'une dizaine de livres à succès et détenteur du prix Pulitzer, a indiqué que le chef de la Maison-Blanche n'avait pas écouté l'ancien secrétaire d'Etat Colin Powell, lequel avait attiré l'attention de l'administration six mois auparavant sur les conséquences de l'entreprise de guerre en Irak. “Bush n'a pas demandé les recommandations à Colin Powell”, affirme-t-il. Mieux encore, ajoute le journaliste, il n'a même pas demandé conseil auprès de son père. “J'ai dit à Bush, est-ce que vous avez écouté votre père ?”, soutient Bob Woodward qui raconte sa rencontre avec Bush fils pour les besoins d'un livre et au cours de laquelle il lui a posé environ 500 questions. Réponse du président américain : “ça n'aurait pas été crédible, ça aurait été intéressant d'un point de vue historique !” “Je m'en remets à un père plus puissant !” ajoute le président qui révèle ainsi ses propensions évangélistes. “Bush est-il honnête dans ces confidences ?” “Je pense que oui”, répond Bob Woodward. Il estime d'ailleurs que le père aurait pu donner des conseils à son fils. Il s'étonne aussi de l'absence de concertation entre le chef de la Maison-Blanche et la Chambre des représentants. Mais, il n'y a pas que Bush qui a fait une erreur d'appréciation sur la guerre en Irak, il y a également les médias. “Le scepticisme n'est pas suffisant, c'est un échec analytique de la part des médias. Nous savons que partir en guerre est la plus grande décision que peut prendre le gouvernement (…) L'administration et nous n'avons pas mesuré les conséquences d'une telle décision”, admet-il. Interrogé enfin sur l'éventualité d'une attaque contre l'Iran, le célèbre journaliste s'est montré sceptique. “Honnêtement, je ne sais pas ce qui va se passer avec l'Iran, mais à mon avis, il y a une conscience au plus haut niveau de l'Etat que les militaires sont occupés et qu'ils ne peuvent engager une autre guerre”, a conclu celui qui passe pour l'une des icônes du journalisme mondial et dont le carnet d'adresses est impressionnant. Il a ses entrées même dans les institutions les plus sensibles comme le FBI ou la CIA. La “source” appelée “gorge profonde” qui lui avait confié l'affaire du Watergate s'est révélée, il y a seulement quelques mois. Elle fut le numéro deux du FBI à l'époque des faits. K. K.