Les victimes de la déperdition scolaire ont atteint 5 millions depuis dix ans. En Algérie, la démocratisation de l'enseignement et sa gratuité ont permis, certes, à des millions d'enfants d'accéder à l'éducation. Cependant, en dépit des efforts consentis par l'Etat pour la construction d'établissements scolaires et le recrutement de formateurs, le rang des exclus de l'école ne cesse de grossir. Annuellement, quelque 200 000 petits algériens, en âge scolaire, sont privés d'instruction. Le terrorisme et la paupérisation de la population en sont principalement les causes. “Quelquefois aussi les obstacles administratifs poussent les parents à sacrifier la scolarité de leur progéniture”, note Mme Kheira Barki. La présidente de l'association d'alphabétisation Iqra sait de quoi il en ressort. Depuis plus d'une décennie, elle milite pour que “l'éducation pour tous”, ce slogan défendu par les pouvoirs publics, soit une réalité. Il y a deux ans, le ministre de l'éducation adressait une circulaire aux directeurs de wilaya, les sommant d'assurer la scolarisation de tous les enfants dépendant de leur circonscription. “On a réussi à en sauver 10 000, mais sans la sanction des parents récalcitrants, nous n'arriverons pas à des résultats probants”, estime la responsable d'Iqra. Elle intervenait hier au forum d'El Moudjahid où elle assistait à une conférence de Raymond Janssens, responsable du bureau du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), initiée par le forum du quotidien El Moudjahid, à l'occasion de la Journée internationale de l'enfance. Bien qu'ayant reconnu l'investissement accompli par notre pays en matière d'éducation grâce à la propagation du savoir, le représentant onusien partage les réserves de Mme Barki. La privation de 200 000 chérubins d'école chaque année est à son avis “très regrettable”. “Le taux de scolarité est très élevé mais cela ne veut pas dire que chaque enfant est à l'école”, remarque-t-il par ailleurs en évoquant le problème de la déperdition scolaire. Un petit calcul mental lui permet de constater que 5 millions d'adolescents ont été éjectés du système éducatif depuis dix ans, à raison de 500 000 par an. “L'Etat ne peut pas se permettre d'avoir de jeunes analphabètes qui n'ont pas complété leur éducation car celle-ci est leur protection”, déplore M. Janssens. Le décalage entre les grandes villes et l'intérieur du pays en matière de développement économique et social n'échappe pas à son discernement. “J'ai eu à visiter des établissements très modernes à Alger où les élèves disposent de tout. Dans d'autres villes, ils manquent encore de livres et de cahiers”, observe-t-il. Cette discrimination dans la dotation des moyens d'accès au savoir accroit à ses yeux l'inégalité des chances. Samia Lokmane