Riyad a choisi d'entretenir un double discours sur l'approvisionnement mondial en pétrole, en réaction aux menaces de sanctions décochées à son adresse par nombre de pays occidentaux. Le ministre saoudien de l'Energie, Khaled al-Faleh, a assuré, d'un côté, que son pays ne fera pas du pétrole une carte de pression, et déclare, de l'autre, "ne pas pouvoir garantir" que les prix du pétrole ne passeront pas la barre des 100 dollars le baril. Dans une interview accordée à l'agence de presse officielle russe Tass, le ministre saoudien a déclaré que son pays n'a "aucune intention" de mettre en place un embargo sur le pétrole, comme en 1973, lorsque 6 pays du Golfe, membres de l'Opep, avaient augmenté de 70% les prix du pétrole et décrété un embargo contre les pays occidentaux, jugés pro-israéliens. Une séquence inédite qui avait provoqué alors une envolée des prix et une crise pétrolière mondiale. L'affaire du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné dans l'enceinte du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul, en Turquie, est d'autant plus retentissante que les marchés nourrissent les pires inquiétudes quant à d'éventuelles conséquences sur l'approvisionnement mondial en pétrole. Riyad avait promis de riposter à d'éventuelles sanctions après une déclaration de Donald Trump évoquant un "châtiment sévère" contre l'Arabie saoudite. Depuis, le président américain a changé de ton, mais nombre de capitales occidentales tentent de garder leurs pressions sur Riyad jusqu'à ce que la lumière soit faite sur l'affaire Khashoggi. Une énorme claque pour les Saoudiens qui tentent de répliquer par un double discours associant chantage et quelques formules pour rassurer. "L'Arabie saoudite est un pays tout à fait responsable. Pendant des décennies, nous avons utilisé notre politique pétrolière comme un outil économique responsable et l'avons isolée de la politique", a déclaré Khaled al-Faleh, en réponse à la question de savoir si son pays allait faire de son pétrole une carte de pression sur les Occidentaux. "Nous avons des sanctions contre l'Iran et personne ne sait ce qu'il adviendra des exportations iraniennes. De plus, il y a des déclins potentiels dans des pays tels que la Libye, le Nigeria, le Mexique et le Venezuela", a-t-il expliqué. "Si trois millions de barils par jour disparaissent, nous ne pouvons pas couvrir ce volume." Or, il y a quelques semaines, excités par la décision des Etats-Unis de rétablir les sanctions sur le pétrole iranien, les Saoudiens criaient sur tous les toits leurs capacités à répondre à une éventuelle défection de l'Iran. Hier, Khaled al-Faleh a souligné que son pays ne pourrait accroître sa production au-delà de 12 millions de barils, contre 10,7 millions de barils actuellement. Le double discours de Riyad sur l'approvisionnement mondial en pétrole n'a pas été en tout cas sans conséquence sur le marché ; les investisseurs craignent que ces tensions entre Riyad et les capitales occidentales pèsent sur le marché et son approvisionnement. Ali Titouche