Les démarches du président des Etats-Unis et de Londres semblent concourir à disculper le prince héritier saoudien, alors que tous les éléments de l'enquête en cours convergent vers son implication directe dans l'assassinat de Khashoggi. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont décidé d'annuler des visas détenus par des Saoudiens suspectés d'être impliqués dans l'affaire du meurtre du journaliste opposant Jamal Khashoggi, survenu le 2 octobre à l'intérieur du consulat de l'Arabie Saoudite à Istanbul. "Le ministre de l'Intérieur prend les mesures nécessaires pour empêcher les suspects d'entrer au Royaume-Uni", a affirmé hier la Première ministre britannique Theresa May devant le Parlement. "Si ces individus disposent de visas, ces visas seront révoqués aujourd'hui", a-t-elle ajouté. Mme May devait discuter avec le roi Salmane durant la journée d'hier, a-t-elle déclaré, tout en rejetant la version saoudienne selon laquelle la mort de M. Khashoggi avait eu lieu suite à une "bagarre" qui avait mal tourné. "L'affirmation selon laquelle M. Khashoggi est décédé au cours d'une bagarre ne constitue pas une explication crédible, il est donc urgent d'établir ce qui s'est passé à cet égard", a-t-elle insisté. Depuis le début de cette affaire qui a choqué la communauté internationale, les médias turcs ont publié au compte-gouttes des "fuites" qui, pour nombre d'analystes, sont savamment orchestrées et visent à maintenir la pression sur Riyad. Après avoir nié la mort de Khashoggi, le pouvoir saoudien a avancé plusieurs versions contradictoires. Désormais, Riyad avance que le meurtre a été commis lors d'une opération "non autorisée". La décision de Mme May concernant l'annulation des visas délivrés à d'éventuels suspects dans le meurtre du chroniqueur du Washington Post intervient au lendemain de l'annonce de Washington de faire de même. Mardi soir, les Etats-Unis ont annoncé une première mesure de sanctions en révoquant les visas de 21 Saoudiens qui seraient impliqués dans le meurtre du journaliste opposant, mais Donald Trump semble déterminé à épargner le prince héritier Mohamed Ben Salmane, dont la responsabilité est pourtant quasiment engagée, si l'on se fie aux éléments de l'enquête des autorités turques qui ont fuité dans les médias turcs et internationaux. En effet, M. Trump a affirmé mardi sa conviction que MBS n'était pas aucourant du meurtre du journaliste Khashoggi. Dans un entretien qu'il a accordé au Wall Street Journal depuis la Maison-Blanche, Trump a déclaré que "la personne qui gère de telles affaires (en Arabie Saoudite) à ce niveau-là est le Prince (héritier), et puis, s'il y a bien quelqu'un qui a une relation avec l'incident, ce serait lui", mais "le Prince m'a dit qu'il ne sait rien sur ce sujet", a-t-il précisé, ajoutant, en référence aux autorités saoudiennes : "Je veux bien les croire, franchement je veux les croire." En attendant le développement des évènements, Washington affirme son intention d'aller loin dans ses sanctions. "Ces sanctions ne seront pas le dernier mot des Etats-Unis sur ce dossier", a averti le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo qui avait été dépêché, la semaine dernière, par Trump à Riyad et à Ankara pour s'enquérir de la situation et tenter d'avoir des éléments d'informations sur ce crime abominable. Quant à la France, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Grivaux, a affirmé hier que "si la responsabilité de l'Arabie Saoudite est avérée, alors nous en tirerons les conséquences et nous prendrons des sanctions". Lyès Menacer