Si les pays du Maghreb sont culturellement très proches, ils ne sont pas économiquement homogènes, puisque l'Algérie, pays producteur de pétrole, se distingue par une économie rentière et donc un niveau de richesse par habitant supérieur à ses voisins. C'est ce que relève le groupe bancaire français Crédit agricole (CA) dans sa publication "Perspective" du 9 novembre dernier. "Fort de 87 millions d'habitants, dont presque la moitié en Algérie, le Maghreb poursuit en 2018 son développement économique à un rythme plus modéré qu'au début de la décennie", constate CA, qui prévoit une croissance de 2,8% en moyenne en 2018 et devrait rester à ce niveau en 2019. "Après des années économiques assez difficiles (en raison de la forte volatilité des productions agricoles pour le Maroc, de la chute du prix des hydrocarbures pour l'Algérie et des effets dramatiques des attentats terroristes de 2015 sur le tourisme en Tunisie), la région se redresse donc modérément et corrige peu à peu ses déséquilibres macroéconomiques", souligne Crédit agricole. Pour la banque française, le tourisme en Tunisie retrouve presque son niveau d'avant-crise et l'agriculture se porte bien, le redressement du prix du pétrole favorise le commerce extérieur algérien (en revanche, il pénalise les balances commerciales du Maroc et de la Tunisie) et l'industrie marocaine bénéficie des investissements étrangers toujours vigoureux. Cependant, note la banque, les déficits jumeaux (budgétaire et courant) restent encore élevés. "S'ils sont peu menaçants pour le Maroc, car assez contenus, et pour l'Algérie, compte tenu de son très faible endettement, il n'en est pas de même pour la Tunisie qui entre désormais dans des niveaux de surendettement externe et public préoccupants, et ce, malgré l'aide des multilatéraux", affirme le groupe bancaire. "La chute des réserves en devises en Algérie et en Tunisie ont d'ailleurs affecté le cours des dinars qui a chuté respectivement de 46% et de 41% par rapport au dollar depuis quatre ans", relève le CA, pour qui, comparé à d'autres pays du Moyen-Orient, le Maghreb donne l'image d'une bonne stabilité politique qui est perçue favorablement par les investisseurs étrangers. Mais, ajoute-il, "c'est surtout le Maroc qui en bénéficie, grâce à une forte volonté politique d'industrialisation, un environnement des affaires favorable et des fondamentaux économiques plus stables. Ils ont atteint 2,5% du PIB en 2017". Le groupe bancaire estime qu'il ne faut, toutefois, pas sous-estimer les risques sociaux, car le niveau de chômage reste trop élevé. Il est de 11,7% en Algérie. "Mais c'est surtout le chômage des jeunes qui préoccupe, puisqu'il est de pratiquement le double du taux de chômage moyen et qu'il frappe aussi les universitaires et les diplômés", précise Crédit agricole. Il indique que les trois pays du Maghreb, qui bénéficient d'atouts communs indéniables, souffrent de certaines vulnérabilités qui sont assez proches. Crédit agricole cite un manque de diversification économique qui les fragilise lorsque les rentes sont affectées par une conjoncture défavorable et surtout une difficulté à développer les liens commerciaux et financiers intra-Maghreb. "Selon le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, le développement économique intégré de la région pourrait générer 1% à 2% de croissance supplémentaire du PIB pour chacun des pays, si un marché commun maghrébin, incluant coordination des politiques monétaires, droits de douane modérés et libre circulation des hommes et des capitaux, voyait le jour. Pour l'instant, de profonds blocages politiques empêchent une meilleure intégration économique et financière à travers le Maghreb", conclut Crédit agricole. M. R.