Alléchés par les contrats d'armements et des mégaprojets économiques en cours en Egypte, les puissances occidentales ferment les yeux sur les violations par Le Caire des droits de l'homme. L'Egypte, qui a pris hier la présidence tournante de l'Union africaine, vient d'être épinglée par un nouveau rapport de Human Rights Watch (HRW) qui l'accuse d'être responsable de la disparition forcée d'au moins 40 militants et d'avocats engagés dans la défense des droits de l'homme, sur un total de 80 personnes, lit-on sur le site de cette organisation non gouvernementale qui n'a pu vérifier les cas de la moitié du nombre des individus arrêtés. "La police égyptienne et les forces de l'Agence de sécurité nationale (ANS) ont mené une campagne d'arrestations massives, rassemblant au moins 40 défenseurs des droits de l'homme, avocats et militants politiques depuis fin octobre 2018", lit-on sur le site de HRW, soulignant que la majorité des personnes arrêtées "fournissait un soutien humanitaire et juridique aux familles des détenus politiques". Les arrestations s'apparentent à des enlèvements en bonne et due forme, puisqu'aucun mandat d'arrêt ou d'amener n'accompagne ces interpellations qui se font sous le couvert de la lutte contre le terrorisme depuis la destitution en juillet 2012 de l'ancien président élu, Mohamed Morsi, issu de la mouvance des Frères musulmans. Selon HRW, les familles des détenus ignorent carrément où se trouvent leurs proches. "Certains de ces cas peuvent être assimilés à des disparitions forcées", a dénoncé l'ONG, ajoutant que "huit femmes font partie des personnes arrêtées et, bien que trois de ces femmes aient été libérées, toutes les autres personnes arrêtées restent détenues dans des lieux inconnus". Et de tirer la sonnette d'alarme en affirmant que désormais "la répression exercée par les agences de sécurité égyptiennes s'étend à la disparition de ces hommes et femmes courageux qui tentent de protéger les disparus et de mettre fin à cette pratique abusive". Pour Michael Page, directeur adjoint de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, "le gouvernement veut apparemment anéantir ce qui reste de la société civile égyptienne", afin de permettre à al-Sissi de pérenniser son règne. D'ailleurs, à la suite de ces arrestations, la Coordination égyptienne pour les droits et libertés a annoncé qu'elle suspendait ses travaux en Egypte jusqu'à nouvel ordre. Dans une déclaration en date du 1er novembre, cette coordination a affirmé son incapacité à continuer de travailler parce que les autorités "attaquaient quiconque défend les opprimés". Les forces de sécurité ont maintenu son directeur exécutif, Ezzat Ghoniem, avocat, au secret depuis le 4 septembre, en dépit d'une décision judiciaire de le libérer. L'ONG affirme, pour preuve, que "certaines des personnes arrêtées étaient impliquées dans la Coordination égyptienne pour les droits de l'homme et les libertés". Les autorités utilisent aussi les médias gouvernementaux ou progouvernementaux pour s'attaquer aux défenseurs des droits de l'homme, en menant à leur encontre des campagnes de diffamation depuis plusieurs mois. Lyès Menacer